Une reprise du travail compliquée

Lilian

Erika Pal, Mother and Child, Sérigraphie sur contreplaqué.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme d’un petit garçon de 3400 g, Lilian.
L’allaitement démarre bien. Mais rapidement Lilian est diagnostiqué avec un fort reflux gastro-œsophagien. A 4 semaines, Il est opéré d’une sténose du pylore.
Il ne prend qu’un kilo en 10 semaines et sa mère doit reprendre le travail.
Elle me contacte donc pour organiser cette reprise du travail, avec une assistante maternelle qui trouve que la mère ne lui laisse pas assez de biberons de lait maternel.

Mon intervention

Je rencontre Lilian et sa mère lorsque Lilian a 10 semaines.
Sa prise de poids est trop juste. Elle peut s’expliquer par le reflux et la sténose du pylore mais depuis sa sortie de l’hôpital, la prise de poids ne s’est pas améliorée. Je propose donc à la mère de vérifier la succion de Lilian et sa prise du sein pour comprendre ce qui se passe.

J’observe la bouche de Lilian : il ouvre bien grand la bouche, j’observe un frein de langue moyen et peu élastique mais surtout, lorsque je lui donne mon doigt à téter, sa succion est complètement incohérente. Il ne sait pas comment placer sa langue et est incapable de créer une dépression intra-buccale.
J’observe une mise au sein : Lilian ouvre grand la bouche mais la referme sur le sein car il n’est pas capable de placer correctement sa langue. Il déglutit régulièrement car sa mère a beaucoup de lait, qui coule facilement. Mais lorsque le lait ne coule plus tout seul, il lâche le sein et n’est pas satisfait. Il se tortille, grimace et pleure.
La mère m’explique que Lilian demande à téter au moins toutes les deux heures, voir plus souvent et qu’elle a du mal à trouver un moment pour tirer son lait pour l’assistante maternelle.

Je propose ce qui suit à la mère :
– voir un bon ostéopathe pour vérifier que le nerf moteur de la langue (le grand hypoglosse) n’est pas pincé.
– nous verrons après cela s’il est ou non nécessaire de faire couper le frein de langue.
– tirer son lait après les tétées pour stimuler sa lactation.
– prendre des plantes pour stimuler la lactation (fénugrec et moringa) pour que Lilian puisse manger plus facilement car je pense qu’il ne mange pas suffisamment.
– au vu du nombre d’heures d’absence de la mère et du rythme de tétées de Lilian, je suggère de laisser 300 ml de lait maternel à l’assistante maternelle.
– voir avec le médecin du bébé si le traitement anti-reflux est efficace car Lilian me semble très gêné.

3 jours plus tard, Lilian a pris du poids, la mère a commencé les plantes, Lilian a vu l’ostéopathe mais pour le moment, l’amélioration n’est pas franche.
Lilian a commencé les biberons chez la nounou. Il les prend sans trop de souci mais depuis, il arrête de téter au sein dès que le débit faiblit un peu et pleure.
Lors d’un épisode de gros pleurs, la mère se demande si son bébé a mal (à cause du RGO) ou s’il a faim. Elle décide de lui donner un biberon de son lait. Il est ensuite apaisé et la mère admet enfin que son bébé puisse avoir faim.
La mère décide de faire sectionner le frein de langue sans attendre pour améliorer autant que possible la succion de son bébé.

Le frein de langue est sectionné lorsque Lilian a 11 semaines et 2 jours. Lorsque Lilian reprend le sein après l’intervention, je m’aperçois que sa succion est désormais cohérente. Pas encore très forte mais bien meilleure.
Dans les jours qui suivent l’état général de Lilian s’améliore : les tétées sont plus efficaces, phases d’éveil calmes, la lactation augmente et les tétées s’espacent un peu.
Mais une semaine plus tard, la mère me recontacte : les journées chez l’assistante maternelle se passent bien mais les nuits sont très difficiles : Lilian se réveille crispé, il reste cambré en arrière et hurle.
Je suggère à la mère de revoir le médecin pour le traitement anti-reflux, ce qu’elle n’avait pas fait.

Le médecin confirme le problème et change le traitement qui s’avère beaucoup plus efficace et la vie redevient paisible pour Lilian et ses parents.

..

Gaston

Zara,art de l’allaitement maternel

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme d’un petit garçon de 3600 g, Gaston.
Le pédiatre de la maternité constate la présence d’un frein de langue très avancé et très serré et le sectionne.
L’allaitement se passe très bien pendant 5 mois.
A partir de ce moment là, la mère enchaine les épisodes de canaux lactifères bouchés et de mastites qui persistent.
La diversification alimentaire se passe mal : Gaston enchaine constipation, maux de ventre puis finit par refuser les solides.
Entre ses 6 et ses 7 mois, Gaston ne prend pas de poids.
Quand Gaston a 7 mois, il doit commencer la crèche et sa mère reprendre le travail. Mais elle ne sait pas comment faire pour maintenir son allaitement en donnant à son fils des biberons de préparation pour nourrisson en son absence.

Mon intervention

Nous nous rencontrons à ce moment là, adressée par le pédiatre de Gaston.
Elle m’explique qu’elle veut allaiter un an et veut donc résoudre ses problèmes d’allaitement tout en reprenant le travail.
Pour comprendre pourquoi la mère continue à souffrir de mastites et canaux bouchés, je cherche si Gaston draine correctement les seins. D’autant plus que sa prise de poids est réellement problématique.
J’observe donc la bouche de Gaston : je m’aperçois que la freinotomie effectuée à la maternité est largement insuffisante car il reste un frein de langue très avancé et très serré. Gaston ne peut pas avancer sa langue par dessus sa gencive. Par contre il ouvre bien la bouche.
J’observe une tétée et je constate que Gaston déglutit régulièrement car sa mère a beaucoup de lait mais lorsqu’il lâche le sein, le mamelon est biseauté.
Par ailleurs, je constate la présence d’un point blanc sur chaque mamelon et d’une boule dans le sein droit.

J’explique à la mère que le frein de langue de Gaston est très gênant et ne lui permet pas de drainer les seins correctement, ce qui provoque canaux bouchés et mastites.
Je propose de faire sectionner à nouveau le frein de langue.
Par ailleurs, je lui propose de faire une cure de lécithine pour éviter les canaux bouchés à répétition et de surveiller l’évolution de la boule dans le sein droit, qui doit disparaître rapidement.
Pour cela, je lui propose de louer un bon tire-lait électrique de petite taille, qu’elle pourra emporter au travail si besoin, et de tirer son lait sur le sein droit après les tétées.
Enfin, je soupçonne une allergie chez l’enfant, qui expliquerait les difficultés de diversification alimentaire, à cause de selles glaireuses à répétition et je l’adresse à son médecin.
Pour la reprise du travail, je lui propose d’emporter avec elle un tire-lait, même si ce n’est pas ce qu’elle avait prévu car j’ai peur que les mastites reviennent si les seins ne sont pas du tout drainés en journée.

Je fais un compte-rendu à la pédiatre de Gaston qui m’a adressé cette mère. La pédiatre est d’accord avec moi pour explorer une éventuelle allergie, me remercie pour le repérage du frein de langue.

Le frein de langue est sectionné le lendemain au Centre allaitement et les tétées s’améliorent immédiatement. La boule du sein droit disparait en 2 jours.
Les canaux lactifères bouchés ne se reproduisent pas.
Les premiers jours de reprise du travail, la mère doit tirer un peu son lait mais au bout de 15 jours, elle peut se passer du tire-lait sans aucun problème et poursuivre un allaitement mixte.

Bibliographie

Véronique Darmangeat, Allaiter et reprendre le travail, Chronique Sociale, 2012.

 

Dernière mise à jour : 23 avril 2018 par Véronique Darmangeat