Le bébé qui recrache le lait au sein

Joyce

Nguyen Thanh Binh

Etude du cas clinique

Cette mère accouche deux semaines avant terme d’une petite fille de 3200 g, Joyce.
En salle de naissance, Joyce ne réussit pas à prendre le sein. On propose à la mère d’utiliser des bouts de sein en silicone mais Joyce n’y arrive pas mieux.
La mère et le bébé reviennent en chambre et la mère remet son bébé au sein mais Joyce n’y arrive toujours pas.
Elle réussit à prendre le sein 24h plus tard, avec les bouts de sein en silicone mais elle tète peu et dort énormément.
La journée du lendemain se passe de la même manière et à J2, Joyce a perdu 10 % de son poids de naissance. Des compléments de préparation pour nourrisson sont donnés au biberon, après une tétée sur deux.
A J3, Joyce dort toujours énormément, ne se réveille pas et ne demande pas à téter. On demande à la mère de réveiller son bébé toutes les 3 heures mais Joyce est très difficile à réveiller et quand on la met au sein, elle recrache le lait qui coule, au fur et à mesure.
La montée de lait commence la nuit suivante. On avait dit à la mère que Joyce réclamerait alors plus à manger mais rien de cela ne se produit et elle continue à dormir sans réclamer.

Au retour à la maison, la situation ne change pas : bébé qui dort et impossible à réveiller, tétées inefficaces, bébé qui recrache tout le lait au sein et compléments au biberon.
A J9, les parents ne réveillent plus Joyce que toutes les 4 h car le bébé est beaucoup trop difficile à réveiller et les quantités de complément augmentent.
A J10, les parents passent à 5 h entre deux tétées et constatent qu’alors Joyce est plus active au sein. Sur le sein droit, les fuites de lait pendant les tétées sont moins importantes mais restent importantes au sein gauche.

Les parents font appel à moi à J16 car les tétées ne s’améliorent pas et les quantités prises au biberon augmentent. Joyce prend désormais 300 ml au biberon par 24h. Il faut toujours la réveiller au bout de 5h de sommeil.

Mon intervention

J’observe Joyce : elle n’ouvre que très peu la bouche, en gardant la tête baissée vers l’avant. Je ne peux donc pas voir dans sa bouche. Je lui propose mon doigt à téter : elle ne peut pas le prendre seule et je lui propose donc en bouche. Elle serre alors très fort mon doigt avec ses gencives. La pression est telle que la langue ne peut pas passer entre la gencive inférieure et mon doigt et reste coincée en arrière.

Un frein postérieur peu élastique semble être présent mais je ne peux pas être sûre qu’il pose problème car la mâchoire est tellement serrée que la langue n’a pas la place de bouger correctement.

La mère installe alors son bébé au sein avec un bout de sein en silicone et je comprends très vite ce qu’elle m’expliquait en me disant que le lait fuyait : une fois que le réflexe d’éjection se déclenche, Joyce est incapable de téter et déglutir correctement et le lait coule en dehors de sa bouche.

Je me demande alors s’il existe un problème de déglutition et je propose à la mère de faire un test avec du lait avec un DAL au doigt : Joyce mord toujours mon doigt très fort mais déglutit le lait sans problème. Il n’y a donc aucun problème de déglutition.
Mais au sein, Joyce garde la tête penchée vers l’avant (même si on l’incite à lever la tête) et sa langue ne peut pas bouger correctement donc elle ne peut pas amener le lait en fond de bouche et déglutir correctement.
Après une tétée aussi peu efficace, Joyce a encore faim et boit son biberon sans aucun mal mais trop rapidement.

J’explique aux parents que c’est la tension présente au niveau de la mâchoire et de la nuque de Joyce qui l’empêche de téter correctement et je leur propose de voir un ostéopathe pour aider à résoudre ce problème. Je leur explique également que j’ai constaté la présence d’un frein de langue mais que je ne suis pas du tout sûre pour le moment qu’il soit problématique et que l’on verra s’il gêne, une fois le problème de tension réglé.

Je propose également à la mère de relancer sa lactation au tire-lait après chaque tétée. Pour cela, je lui propose de changer de tire-lait car le sein n’est pas bon.
Enfin, j’explique aux parents comment donner le biberon de manière à ce que Joyce puisse manger paisiblement, en plaçant sa langue le mieux possible.

Joyce voit une ostéopathe du Centre allaitement le lendemain, qui confirme les tensions très importantes. Elle pense que plusieurs séances seront nécessaires pour régler complètement le problème.
Les tétées s’améliorent un peu, Joyce déglutit plus facilement le lait mais continue à en recracher une partie.
La mère tire plus efficacement son lait.

Une semaine plus tard, Joyce ne boit plus que le lait de sa mère, en partie au sein et en partie au biberon. Les tétées restent laborieuses.
Quelques jours plus tard, elle revoit l’ostéopathe. L’amélioration est flagrante dans les jours qui suivent puis la situation se dégrade à nouveau.
C’est après la troisième séance d’ostéopathie que les progrès sont flagrants et constants.
Lorsque Joyce a un mois et demi, elle réussit enfin à manger entièrement au sein, sans laisser couler le lait.

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Bibliographie

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Je n’ai malheureusement pas de bibliographie pertinente à vous proposer pour ce cas. N’hésitez pas à partager des références si vous en avez.
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Dernière mise à jour : 22 février 2018 par Véronique Darmangeat