Mauvaise ouverture de bouche et frein de langue

Elise

Mary Cassat

Etude du cas clinique

Cette mère accouche 2 semaines avant terme d’une petite fille de 3100 g, Elise.
L’allaitement démarre bien et Elise reprend son poids de naissance à J5.
La mère me contacte à un mois car depuis plus de dix jours, Elise a beaucoup de gaz, des maux de ventre et les journées deviennent difficiles.
La mère a enlevé de nombreux aliments de son alimentation, pensant qu’ils créaient des coliques à son bébé, mais cela n’a rien changé.
Le pédiatre a préconisé de donner un biberon de préparation pour nourrisson le soir pour que les nuits se passent mieux et c’est effectivement le cas.

Mon intervention

Je me rends au domicile de la famille. Elise est un beau bébé qui a pris 1140 g en un peu moins d’un mois.
La mère m’explique qu’elle tire son lait deux fois par jour le matin car elle a beaucoup de lait et qu’elle tire 160 ml par tirage.
J’observe la bouche d’Elise et je m’aperçois qu’elle ouvre peu la bouche et tire la langue en l’enroulant vers le bas. Le mouvement de langue est limité et j’observe un frein de langue peu élastique. Mais quand elle baille, l’ouverture de bouche est correcte.
J’observe une tétée : Elise déglutit beaucoup, vite et bruyamment. Sa bouche n’est que très peu ouverte sur le sein. Elle s’endort au bout de dix minutes et quand elle lâche le sein, le mamelon de la mère est biseauté.
Nous essayons de l’installer en position BN, ce qui est plutôt plus confortable pour la mère et permet à Elise d’ouvrir un petit peu mieux la bouche.

J’explique à la mère qu’elle a une lactation importante, ce qui permet à Elise d’avoir une bonne prise de poids malgré une mauvaise prise du sein et une succion gênée par le frein de langue.
Quand Elise veut prendre le sein, elle ouvre peu la bouche, car si elle ouvre grand, le frein de langue tire la langue en arrière, alors qu’elle doit avancer la langue pour prendre le sein. De ce fait, elle prend mal le sein et ne boit que si le lait coule tout seul. Elle avale de l’air, ce qui lui crée des maux de ventre et des gaz.

Je propose à la mère de commencer par arrêter les tisanes d’allaitement qu’elle boit tous les jours car cela augmente une lactation déjà surabondante.
Je lui propose également de voir un ORL pour le frein de langue gênant d’Elise et de vérifier ensuite si elle est capable d’ouvrir plus grand la bouche pour prendre le sein.
Je lui propose enfin de remplacer le biberon de préparation pour nourrisson du soir par un biberon de lait maternel. En effet, Elise avale moins d’air au biberon, ce qui lui permet de mieux dormir la nuit.
L’ORL consulté, sectionne le frein de langue. Mais dans les jours qui suivent, la situation ne s’améliore pas et comme Elise n’ouvre toujours pas grand la bouche, elle a du mal à obtenir assez de lait au sein à partir du milieu de l’après-midi.
En fait, Elise ouvre parfois grand la bouche pour prendre le sein, mais elle garde l’habitude de se reculer au sein et de refermer la bouche.
Je propose à la mère de voir un ostéopathe pour aider Elise à détendre les tensions crées par le frein de langue.
Après la séance, les choses commencent à aller mieux petit à petit. Au bout de 2 semaines, Elise est capable de bien prendre le sein et n’a plus besoin d’un biberon le soir pour avaler moins d’air.

Jade

Anna Nordgren (1847-1916)

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme, d’une petite fille de 3000 g, Jade.
L’allaitement démarre bien, avec une bonne prise de poids. A un mois, Jade pèse 4050 g.
Puis la prise de poids diminue et au cours des semaines suivantes, Jade ne prend plus que 10 g par jour.

La mère fait appel à moi lorsque Jade a 10 semaines car la prise de poids l’inquiète et que Jade s’énerve au sein le soir et pleure.
Une semaine auparavant, la mère a loué un tire-lait et a tiré après chaque tétée pour augmenter sa lactation, elle a également augmenté le nombre de tétées, elle a enfin décidé de retirer la tétine.

Mon intervention

J’observe Jade qui n’est absolument pas inquiétante et semble en pleine forme. Nous faisons le point sur le poids de Jade et je m’aperçois qu’autour d’un mois, elle a légèrement décroché mais qu’ensuite elle a pris du poids correctement et reste sur sa courbe de poids. Ce qui a induit les parents en erreur sont de nombreuses pesées sur des balances différentes et dans des conditions différente (habillée ou pas, avec ou sans couche). Lorsque je reprends uniquement les pesées faites chez le médecin, donc sur la même balance, avec un bébé nu et sans couche, la prise de poids est tout à fait correcte.
Par contre, le fait que Jade s’énerve au sein reste un problème.

J’observe Jade et je remarque un frein de langue moyen et peu élastique, un palais haut, un réflexe nauséeux très sensible et une toute petite ouverture de bouche.
Au sein, Jade déglutit tant que le lait coule facilement puis s’endort. Elle n’ouvre pas assez la bouche et n’avance pas assez la langue.
Si on essaye de placer Jade correctement au sein, elle se recule immédiatement à cause du réflexe nauséeux qui la gêne.

J’explique donc aux parents une série d’exercices à faire faire quotidiennement à Jade pour faire reculer ce réflexe nauséeux et je leur suggère de voir un ORL pour le frein de langue et un ostéopathe pour l’ouverture de bouche ensuite si elle continue à poser problème.
Nous améliorons la mise au sein et je montre à la mère comment utiliser la compression du sein et la superalternance pour que Jade obtienne toujours suffisamment de lait au sein.

L’ORL sectionne le frein de langue. Les parents font les exercices pour le réflexe nauséeux. Au bout de deux semaines, le nauséeux ne gêne plus Jade et elle sait se servir correctement de sa langue. On constate à ce moment là, qu’elle ouvre désormais correctement la bouche, sans avoir eu besoin de voir un ostéopathe.

Bibliographie
  • Mannel, Martens, Walker, Core curriculum for Lactation Consultant Practice, Jones and Bartlett Learning, 2013, page 275-287.
  • Marsha Walker, Breastfeeding management for the clinician, Using the evidence, Jones and Bartlett Publishers, 2014, page 131-178.
  • Watson Genna, Supporting sucking skills, Jones and Bartlett, 2008.
  • Catherine Senez, Rééducation des troubles de l’alimentation et de la déglutition, de Boeck Solal, 2002.

Dernière mise à jour : 20 février 2017 par Véronique Darmangeat