Le quotidien de l’aide à l’allaitement

Adrian

Jeune femme allaitant un bébé Jacob Maris, 1868, The National Gallery, Londres, Royaume-Uni.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme et par césarienne programmée d’un petit garçon, Adrian, de 3,010 kg, son deuxième enfant. La rachis-anesthésie n’ayant pas fonctionné correctement, la césarienne se fait sous anesthésie générale.
L’allaitement de son premier enfant a duré 6 mois mais uniquement avec des bouts de sein en silicone et la mère ne veut surtout pas recommencer ainsi.
Elle débute l’allaitement au retour en chambre mais Adrian n’ouvre pas suffisamment la bouche et les tétées sont douloureuses. Il perd 100 g les deux premiers jours puis reprend 55 g et rentre à la maison. Mais les tétées continuent à être douloureuses et une semaine après la naissance, des crevasses importantes sont apparues. La mère reprend des bouts de sein en silicone pour éviter d’arrêter l’allaitement.
Elle fait alors appel à moi car elle veut absolument pouvoir les enlever.

Mon intervention

Je viens la voir à J9. Au cours de la consultation, la mère m’explique qu’elle n’a pas fait repeser son bébé car les pesées de son ainée ont été très stressantes et qu’elle ne veut pas revivre ce stress.
J’observe Adrian : il ouvre très bien la bouche et tète correctement mon doigt mais je sens qu’il ne peut pas allonger complètement la langue sous mon doigt. Je regarde donc son frein de langue que je trouve épais, peu élastique, à mi-longueur de la langue. Ce frein n’empêche pas Adrian de téter mais ne lui permet pas une totale efficacité.
J’observe la tétée sans bout de sein en silicone : Adrian n’ouvre pas assez la bouche et fait mal à sa mère mais il déglutit correctement. Je propose à la mère d’améliorer la prise du sein en plaçant Adrian de manière asymétrique au sein et en le collant bien contre sa mère. Il ouvre alors très bien la bouche et la prise du sein est bien meilleure. La mère est alors confortable lors de la tétée et ne ressent plus de douleurs. Adrian déglutit très régulièrement.
Ses couches sont bien souillées.
Je suggère alors à la mère de commencer par améliorer la mise au sein pour obtenir une bonne prise du sein non douloureuse, de proposer les deux seins à chaque tétée et de faire peser son bébé dans quelques jours.
Je lui propose également de faire des pansements au lait maternel pour soigner ses mamelons abîmés.
Comme les tétées ne sont plus douloureuses en améliorant la prise du sein, je propose à la mère de ne pas toucher au frein de langue et d’attendre de voir si la prise de poids est bonne. En effet, le frein est épais et ne pourra pas forcément être sectionné sans risque.
Les crevasses guérissent rapidement et la prise de poids à 2 semaines est bonne. La mère poursuit donc l’allaitement sans bout de sein en silicone et sans toucher au frein de langue de son bébé.

Lou

Nursing the Baby, Lilla Cabot Perry, c. 1906.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche deux semaines avant terme et par voie basse d’une petite fille, Lou, de 2,300 kg, son deuxième enfant.
En raison du petit poids de naissance, des compléments de préparation pour nourrisson sont imposés à la maternité.
Lou prend le sein dès la naissance mais n’ouvre pas grand la bouche et fait mal à sa mère, surtout au moment de la montée de lait.
Le poids descend à 2,150 kg puis remonte à 2,180 kg et la mère et le bébé rentrent à la maison.
La mère arrête alors les compléments et me contacte car nous nous étions déjà rencontrées lors de l’allaitement de son fils aîné. Elle souhaite s’assurer que l’allaitement se passe bien.

Mon intervention

Je rencontre cette famille à domicile à J5.
Au cours des 24 dernières heures, Lou a bien mouillé cinq couches d’urine et émis trois selles jaunes de la taille d’une paume de main d’adulte.
Je regarde la bouche de Lou qui présente un frein de langue très visible mais très élastique qui ne la gêne pas pour bien avancer la langue. Lou sait très bien ouvrir la bouche et sa succion est bonne.
J’observe une tétée : Lou dort beaucoup, n’ouvre pas assez la bouche et pince le mamelon. Nous améliorons la prise en madone inversée mais Lou n’est pas du tout motivée pour ouvrir grand la bouche alors qu’elle n’a pas mangé depuis 3 heures. Une fois au sein, elle déglutit très bien et régulièrement.
Je propose donc à la mère de bien améliorer la prise du sein à chaque tétée, de ne jamais dépasser trois heures entre deux tétées pour les cinq prochains jours et de contrôler le poids. Nous adapterons la conduite à tenir en fonction des réactions de Lou et de sa prise de poids.
A J6, Lou pèse 2,270 kg et la prise du sein s’améliore.
A J9, les parents de Lou l’emmènent aux urgences car elle a attrapé un gros rhume et a beaucoup de mal à respirer. Elle est alors pesée à 2,375 kg, ce qui représente une prise de poids de 37,5 g par jour depuis son poids le plus bas, c’est absolument excellent.
Je suggère à la mère de continuer à donner à téter au moins toutes les trois heures jusqu’à la guérison de Lou puis de la laisser gérer seule ses apports alimentaires.

Pour Lou, la seule difficulté était sa tendance à dormir beaucoup mais le petit poids de naissance n’entraînait pas de difficulté particulière pour téter.

Bibliographie
  • Jack Newman et Teresa Pitman, La prise de sein et autres clefs de l’allaitement réussi, éditions du Hêtre, 2010.
  • Watson Genna, Supporting sucking skills, Jones and Bartlett, 2008, page 62.
  • Marsha Walker, Breastfeeding management for the clinician, Using the evidence, Jones and Bartlett Publishers, 2014, page 139.
  • Ankyloglossie : prévalence, évaluation, traitement, Les dossiers de l’allaitement n° 47, p.21, 2001.
  • Ankyloglossie : incidence, et impact sur l’allaitement, Les dossiers de l’allaitement n° 59, p.26, 2004.
  • L’impact de l’ankyloglossie sur l’allaitement : évaluation, incidence et traitement, Elizabeth Coryllos, Les dossiers de l’allaitement, numéro spécial 7e JIA, 2008.
  • http://www.brianpalmerdds.com/pdf/Bfing_Frenum_French.pdf (lien au 20/10/2015)

Dernière mise à jour : 26 janvier 2017 par Véronique Darmangeat