Le bébé trop affaibli pour téter.

Bouts de sein en silicone

Mère et Enfant, Camille Corot, 1860.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche par voie basse, quatre jours après terme d’une petite fille, Stella, de 3,910 kg.
L’allaitement commence en salle d’accouchement mais le bébé a du mal à prendre le sein et encore plus à le garder en bouche.
Comme les mamelons de la mère sont plats, le personnel de maternité demande à la mère d’acheter des bouts de sein en silicone. Stella tète avec les bouts de sein et l’allaitement démarre ainsi.
La montée de lait a lieu à J3 et la mère et l’enfant rentrent à la maison. Stella pèse alors 3,660 kg. Elle n’a pas repris de poids. L’allaitement se poursuit à la demande du bébé.
Mais à J10, la sage-femme venue en visite à domicile pèse le bébé à 3,520 kg. Elle demande à la mère de donner des compléments.
Les parents font alors appel à moi car ils craignent que les compléments ne signent la fin de l’allaitement.

Mon intervention

Je vois donc la famille à domicile à J11. La mère m’explique que le bébé s’endort très vite au sein mais redemande à téter en permanence. Elle pleure beaucoup. Elle a émis 4 urines et une selle lors des dernières 24 heures.
Je regarde la bouche de Stella. Elle ouvre moyennement bien la bouche et présente une langue courte mais sa succion est bonne.
Je regarde les seins de la mère qui me semble absolument normaux, avec des mamelons qui ne posent strictement aucun problème.
J’observe une tétée, tout d’abord en laissant la mère faire ce qu’elle a l’habitude de faire, en utilisant le bout de sein en silicone. Le bébé prend très mal le sein et ne déglutit quasiment pas.
Je propose alors à la mère de placer son bébé au sein sans le bout de sein en silicone, en madone inversée. La prise du sein est bonne mais le bébé s’endort très vite au sein. La mère réussit rapidement à refaire la mise au sein sans aide.
Nous essayons alors de lui proposer un complément directement au sein grâce à un DAL de fortune fait avec une sonde de gavage de diamètre 05. Le bébé est un peu plus actif mais boit très difficilement 10 ml avant de s’endormir.
Nous lui proposons alors le complément au DAL au doigt et Stella arrive alors à prendre encore 15 ml plus facilement.

Je propose alors aux parents le protocole suivant : au moins toutes les trois heures, proposer le sein à Stella en madone inversée, sans le bout de sein en silicone, quand elle fatigue, lui proposer 30 ml de complément au DAL au doigt. Puis tirer le lait avec un bon tire-lait électrique, en utilisant la méthode de Jane Morton.
Le but étant de nourrir Stella uniquement avec du lait maternel dès que possible pour lui permettre ensuite de se nourrir complètement au sein, sans avoir besoin du DAL.
Je leur propose également de montrer Stella à un ostéopathe pour l’aider à mieux ouvrir la bouche.

Les parents sont entièrement partants et motivés. Ils mettent le protocole en place très rapidement. Dès le début, ils enlèvent le bout de sein en silicone et les mises au sein se passent bien. Le DAL de fortune au doigt fonctionne bien et la mère tire son lait en commençant par 60 ml dès le premier tirage.
Le lendemain Stella ne pleure plus et dort bien. Les couches sont correctement souillées. Elle ne prend plus que du lait maternel, au sein ou tiré par sa mère. Par contre les mamelons de la mère commencent à être douloureux car Stella a parfois du mal à bien ouvrir la bouche.
Ils voient l’ostéopathe ce jour là.

Le surlendemain a lieu la visite chez la pédiatre, Stella pèse 3,600 kg.
Elle tète un peu mieux, la mère n’a plus mal aux mamelons. Elle tire 60 ml après chaque tétée. Par contre Stella s’endort toujours rapidement au sein. Elle prend entre 45 et 55 ml de complément.
Je propose aux parents d’essayer de passer au DAL au sein.

Quatre jours après, Stella réussit à prendre les deux seins à chaque tétée. Elle se fatigue encore rapidement et ne réussit pas à prendre le sein avec le DAL. Elle prend 50-60 ml de complément après chaque tétée.
La mère tire 100 ml de lait en 10 minutes après chaque tétée.

Un semaine plus tard, Stella a 24 jours, elle pèse 4,100 kg, elle ne s’endort plus au sein et n’a plus besoin de compléments. La mère arrête de tirer son lait. L’allaitement est sur de bons rails.

Pour ce bébé, l’allaitement a mal démarré et Stella n’a pas obtenu assez de lait en tétant mal avec des bouts de sein en silicone. Elle s’est affaiblie et n’a plus été en mesure de se nourrir. Elle a eu besoin d’aide pour manger plus efficacement et reprendre des forces avant de pouvoir être capable de se nourrir seule au sein.

Un bébé qui dort trop

Au soleil, Arkadiy Plastov, 1965-1966.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche deux semaines avant terme d’une petite fille, Cathia,  de 3,630 kg. Les premiers jours, le bébé dort beaucoup et réclame peu le sein mais à J2, elle a perdu plus de 11% de son poids de naissance et pèse 3,220 kg.
Le personnel demande alors à la mère de donner des biberons de complément, ce qu’elle fait.
A J3, la montée de lait est très forte et s’accompagne de gros engorgements. Cathia n’arrive plus à prendre le sein et une sage-femme masse fortement les seins de la mère pour les assouplir. La mère décrit ces massages comme étant violents…
La mère commence à tirer son lait pour le donner au DAL au doigt au bébé. Petit à petit Cathia tète mieux et la mère arrête de tirer son lait car elle ne tire rien sur le sein gauche et très peu sur le sein droit, elle est découragée.

Mon intervention

La mère fait appel à moi à J8 car elle voudrait revenir à un allaitement au sein exclusif et trouve que son bébé est paresseux.
J’observe le bébé dont la bouche ne présente aucun particularité. Le mouvement de succion est bon mais la succion est faible.
J’observe une tétée. La mère s’installe couchée sur son lit pour la tétée. La prise du sein n’est pas bonne est je ne vois pas le bébé déglutir.
J’invite la mère à s’installer en position Biological Nurturing. La prise du sein est bien meilleure et la mère et le bébé sont confortables. Mais le bébé continue à ne déglutir que très peu.

J’explique à la mère que son bébé n’a pas de souci mécanique et est capable de bien téter mais qu’elle semble trop fatiguée pour réussir à manger efficacement. Je lui propose d’installer le DAL au sein pour stimuler son bébé.
Avec le DAL au sein, Cathia commence à manger beaucoup plus efficacement et réussit à prendre 50 ml au DAL.

Je demande à la mère de faire peser son bébé car la dernière pesée date de la sortie de maternité à J5 à 3,300 kg et j’ai l’impression qu’elle n’a pas assez mangé pour prendre du poids. Je souhaite donc disposer d’un poids de départ pour évaluer l’efficacité de ce que je propose à la mère.

Je lui propose de poursuivre le DAL au sein à chaque tétée et de placer son bébé en Biological Nurturing en améliorant la prise du sein. Je lui propose également de recommencer à tirer son lait après chaque tétée en utilisant la méthode de Jane Morton et d’essayer de faire une cure de fénugrec après en avoir parlé avec son médecin.
Dans le DAL elle mettra en priorité son lait tiré et complètera avec une préparation pour nourrisson si nécessaire, le temps d’obtenir suffisamment de lait maternel.

La mère est d’accord avec ces propositions et les met en œuvre immédiatement.
Cathia a du mal le premier jour à manger une ration suffisante mais dès le lendemain, elle prend 60 ml à chaque DAL.
La mère obtient plus de lait en utilisant la méthode de Jane Morton et elle réussit à couvrir tous les besoins de son bébé à J15.
A J20, Cathia commence à laisser du lait dans le DAL tout en continuant à bien prendre du poids. Elle pèse 3,700 kg.
Je suggère alors à la mère de ne pas mettre le DAL dès le début de la tétée mais d’attendre que Cathia ne soit plus efficace au sein pour le mettre.
A J23, Cathia n’a plus besoin du DAL et mange suffisamment au sein directement. La mère arrête de tirer son lait.

Là encore la fatigue du bébé l’empêchait d’être efficace au sein mais dès qu’elle a repris des forces, elle a été capable de se nourrir seule au sein grâce aux efforts de sa mère pour lancer correctement sa lactation.

Bibliographie
  • D. West et L Marasco, Making more milk, Mc Graw Hill, 2009.
  • http://www.lactissima.com/a-tire-d-ailes/fenugrec/
  • Marsha Walker, Breastfeeding management for the clinician, Using the evidence, Jones and Bartlett Publishers, 2014, page 560.
  • R. Lawrence, Breastfeeding, Elsevier, 2011.
  • L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman et Teresa Pitman, Jack Newman Communications, 2006.

Dernière mise à jour : 26 janvier 2017 par Véronique Darmangeat