L’allaitement des jumeaux

Des jumeaux prématurés

Etude du cas clinique

Cette mère a accouché à 35 semaine d’aménorrhée de deux petits garçons. Michel pèse 2,000 kg. Mathieu pèse 2,260 kg.
Les bébés ont été hospitalisés en service de néonatalogie en urgence et la mère les a à peine eu  dans les bras quelques minutes à la naissance. Elle a commencé à tirer son lait 8 fois par 24 heure dès ce premier jour.

Les bébés ont été mis au sein le deuxième jour. Ils ont très peu tété et se sont endormis au sein.
Les mamelons de la mère étant un peu plus larges que la moyenne, on a conseillé à la mère de prendre des bouts de sein en silicone pour faciliter la prise du sein par les bébés.
Les bébés sont restés 2 semaines en néonatalogie puis sont rentrés à la maison.

La mère souhaitait mener un allaitement exclusif pendant 6 mois. Or elle se rend compte que ses bébés ne prennent le sein que deux fois par jour et prennent des biberons le reste du temps et elle a peur que son allaitement soit compromis. Elle fait donc appel à moi lorsque ses bébés ont 3 semaines.

Mon intervention

Elle tire toujours son lait 8 fois par 24 heures et couvre les besoins de ses bébés. Ceux-ci prennent 50 à 60 ml de lait maternel au biberon 8 fois par 24 heures. La mère est obligée de les réveiller pour les repas parce qu’ils dorment beaucoup.

J’observe d’abord Michel : il pèse 2,600 kg et sa prise de poids est parfaite. Sa bouche et sa succion sont sans problème mais il a un peu de mal à ouvrir grand la bouche. Nous le plaçons donc en position Biological Nurturing (BN) et il réussit alors à ouvrir suffisamment la bouche et fait une excellente tétée, sans bout de sein en silicone, il n’a pas besoin de complément après la tétée.

J’observe ensuite Mathieu : il pèse 2,700 kg, ce qui est parfait. Sa bouche et sa succion ne présentent pas de souci mais il apparait impossible de le réveiller pour le mettre au sein. La mère m’explique que quand c’est le cas, elle lui propose directement le biberon qu’elle peut introduire dans sa bouche pour le faire manger.

Je suggère alors à la mère d’améliorer la prise du sein des bébés en les plaçant en BN, de leur proposer le sein quand ils sont réveillés et de poursuivre le tirage du lait.

Une semaine plus tard, Mathieu pince beaucoup le sein et la mère l’aide à ouvrir la bouche pour prendre le sein. Elle a présenté un épisode de mastite inflammatoire et, de ce fait, tire un peu moins de lait sur le sein atteint.

La mère me rappelle deux semaines plus tard : Mathieu ne mange désormais plus qu’au sein. Il commence par pincer le mamelon puis se détend et mange bien. Michel n’arrive pas à ouvrir la bouche pour prendre le sein. La mère a donc décidé de le montrer à un ostéopathe.

Deux semaines plus tard, les deux bébés sont nourris exclusivement au sein. Mathieu tète parfaitement bien. Michel pince toujours un peu mais réussit à se nourrir au sein. Ils tètent 7 fois par 24 heures et prennent 35 g par jour.
La mère est enchantée de poursuivre un allaitement exclusif au sein pour ses deux bébés.

Illustration : Déesse-mère (allaitant deux enfants) Premier siècle après JC Sanctuaire de source gallo-romain de Craon à Montbouy Musée de Châtillon Coligny, France

Problème similaire chez des jumeaux

Etude du cas clinique

Cette mère a accouché à 39 semaine d’aménorrhée d’un petit garçon, Ariel de 2,880 kg et d’une petite fille Shina de 3,020 kg. Ce sont ses 5e et 6e enfants.
Elle est très fatiguée après l’accouchement et se laisse guider par l’équipe de maternité. Les tétées sont douloureuses, des crevasses apparaissent et la prise de poids des bébés n’est pas bonne. Des compléments au  biberon sont donnés dès J2.

Au retour à la maison, elle améliore la mise au sein des bébés et les crevasses guérissent mais les tétées restent douloureuses. Dès qu’elle essaie d’arrêter les compléments, le poids des bébés stagne.
Je l’ai déjà rencontrée pour des soucis d’allaitement pour son 4e enfant, elle n’hésite donc pas à faire appel à moi quand elle réalise que son allaitement part sur une mauvaise pente alors qu’elle a allaité ses 4 autres enfants sans souci majeur.
Je la rencontre lorsque ses bébés ont un mois.

Mon intervention

Elle tire son lait dès que possible pour essayer de limiter l’usage des préparations pour nourrissons mais il est difficile de trouver le temps de tirer son lait quand elle a deux bébés qui tètent souvent et à qui il faut donner en plus des biberons. Sans compter que les autres enfants veulent aussi voir leur mère.

Je commence par observer Shina. Elle pèse 3,800 kg. Sa bouche ne présente pas de particularité, sa succion a du mal à se déclencher puis elle est bonne mais elle ouvre très peu la bouche, y compris lorsqu’elle baille. Quand elle prend le sein, elle ne prend que le mamelon en bouche, le pince et ne réussit à boire que le lait qui coule tout seul. Dès que ce n’est plus le cas, elle n’avale plus de lait et s’endort. Lorsqu’elle lâche le sein, le mamelon est pincé et douloureux.

J’observe Ariel : lorsque je lui propose le doigt à téter, il l’écrase entre sa langue et son palais qui est bas. De plus, sa langue présente un frein important qui l’empêche d’avancer la langue par-dessus la gencive.
Il prend le sein comme sa sœur, ne prend que le mamelon en bouche, le pince et ne réussit à boire que le lait qui coule tout seul. Dès que ce n’est plus le cas, il n’avale plus de lait et s’endort. Lorsqu’il lâche le sein, le mamelon est pincé, décoloré et douloureux.
Il montre des signes de reflux et pleure beaucoup entre les tétées.

Je suggère à la mère de proposer le petit doigt à téter à Shina avant de la mettre au sein et d’attendre que le mouvement de langue soit bon pour la mettre au sein.
Je lui suggère de montrer ses deux bébés à un ostéopathe pour les aider à détendre les mâchoires et ouvrir mieux la bouche. Je lui propose de voir un ORL pour Ariel pour décider de l’opportunité de sectionner le frein de langue.
Je lui propose également d’essayer de remplacer le biberon de complément par un DAL au sein et de continuer à tirer le lait si elle y arrive. Je lui explique qu’elle peut essayer de faire une cure de fénugrec pour augmenter la lactation et aider ses bébés à manger plus facilement au sein. Enfin, je lui suggère de voir avec le pédiatre s’il est opportun de prescrire un traitement anti-reflux à Ariel.
La mère est très motivée pour réussir son allaitement et je pense qu’elle va réussir. A suivre…
Illustration : Maternité Bertha Wegmann, entre 1847 et 1926 Huile sur toile Collection privée

Bibliographie
  • Allaitement de multiples, les dossiers de l’allaitement n°77, oct-nov-dec 2008, page 8.
  • Traité de l’allaitement maternel, LLLI, 1999, pages 353 à 366.
  • Dossiers de l’Allaitement n° 67 -Cas cliniques : Allaitement long de triplées – Soutenir les mères allaitant des multiples, LLL France.
  • Dossiers de l’Allaitement n° 50 pp 10-12 – Allaiter des jumeaux, un défi !, LLL France.
  • Kerkoff Gromada Karen, Le maternage des jumeaux, La Leche League Internationale.
  • Poland J. et Maxwell Malmstrom P., Jumeaux, mode d’emploi, Marabout, 2000.
  • J Riordan, K Auer-bach , Breastfeeding and Human Lactation, Ed Jones and Barlett. 1999, 326 28.
  • R A Lawrence, Breastfeeding :  a guide for the medical profession, Ed Mosby. 2011.
  • http://www.allaitement-jumeaux.com/
  • L’allaitement des jumeaux dans ses premières heures, dans ses premiers jours, une publication de Allaitement Des Jumeaux et Plus, 2002.
  • Marsha Walker, Breastfeeding Management for the clinician, Jones and Bartlett Publishers, 2012.
  • ILCA’s Inside rack, Twins, 2010.
  • Elizabeth G. Damato, Donna A. Dowling, Theresa S. Standing, Shawn D. Schuster, Explanation for Cessation of Breastfeeding in Mothers of Twins, JHL, 2005.
  • Chris Auer, Karen Kerkhoff Gromada, A Case Report of Breastfeeding Quadruplets: Factors Perceived as Affecting Breastfeeding, JHL, 1998.
  • Åsa Östlund, Maria Nordström, Fiona Dykes, Renée Flacking, Breastfeeding in Preterm and Term Twins—Maternal Factors Associated With Early Cessation: A Population-Based Study, JHL, 2010.
  • Linda G. Leonard, Breastfeeding Higher Order Multiples: Enhancing Support During the Postpartum Hospitalization Period, JHL, 2002.

Dernière mise à jour : 30 janvier 2017 par Véronique Darmangeat