Quand l’allaitement permet de découvrir un problème d’allergie

Cas clinique n°1

Cette mère accouche à terme d’une petite fille de 2,450 kg.
L’allaitement démarre très bien et le bébé pèse 4,500 kg à 2 mois et demi.

La mère fait appel à moi à trois mois car elle va reprendre le travail et souhaite poursuivre un allaitement exclusif, elle me demande donc des conseils sur la marche à suivre. La mère reprend le travail à 4 mois et demi au rythme de trois jours par semaine.

La mère fait à nouveau appel à moi lorsque son enfant a cinq mois. Elle tire sans problème du lait au travail mais son enfant prend très peu de lait chez l’assistante maternelle ou refuse complètement. Le problème de reflux gastro-œsophagien du bébé, présent depuis le premier mois a augmenté et les réveils sont multiples la nuit (toutes les deux heures la nuit). La prise de poids continue à être correcte, elle pèse 6,100 kg. Je suggère aux parents de voir avec la pédiatre si le traitement anti-reflux peut être amélioré pour que les réveils nocturnes diminuent. Je suggère également de ne pas s’inquiéter des quantités prises chez l’assistante maternelle car le bébé compense en présence de sa mère et sa prise de poids est bonne.

Les parents me demandent de revenir lorsque la petite fille a 8 mois et demi. Un traitement à l’Inexium a été mis en place et le bébé dort mieux la nuit, même s’il reste des réveils. Par contre elle n’a pas pris de poids le dernier mois alors qu’elle continue à téter très souvent. Elle refuse très souvent les solides : elle n’accepte d’en manger que chez l’assistante maternelle car elle y refuse désormais tout biberon de lait maternel alors que la mère continue à tirer du lait pour son enfant.
Les parents sont inquiets. Je suggère plusieurs pistes : vérifier que la petite fille n’a pas d’infection urinaire qui pourrait expliquer l’absence de prise de poids, chercher une éventuelle allergie qui pourrait expliquer la présence de RGO, l’absence de prise de poids et les réveils nocturnes.

La mère me rappelle quand l’enfant a 15 mois. Elle est toujours allaitée. La mère souhaite des conseils pour le sevrage car elle fatigue des tétées de nuit et de l’usage du tire-lait au travail. Les parents ont rencontré un allergologue qui a confirmé une allergie aux protéines de lait de vache et une allergie à l’œuf. Depuis l’éviction totale de ces deux éléments de l’alimentation de la mère et de l’enfant, le RGO a disparu et la prise de poids a repris normalement. Par contre les parents disent que l’enfant mange toujours très peu de solides alors qu’elle continue à téter très souvent. La mère a essayé de rendormir son enfant la nuit sans recourir à la tétée mais l’enfant ne souillait plus suffisamment ses couches. La mère en a déduit que son enfant avait encore besoin des apports alimentaires nocturnes pour manger suffisamment.
Je demande aux parents ce que leur enfant aime manger comme solides. Ils m’expliquent alors qu’elle aime beaucoup le pain mais qu’ils lui refusent désormais d’en manger entre les repas car sinon elle ne mange que très peu de légumes au repas. Elle aime la viande. Je suggère alors la possibilité que l’enfant ait une petite capacité d’estomac et qu’elle ait besoin d’apports alimentaires réguliers en petite quantité. Je suggère donc de la laisser manger ce qu’elle demande même si ce n’est pas l’heure des repas. La mère décide également d’arrêter de tirer son lait au travail avant de décider un sevrage. À partir de ce moment là, la petite fille privilégie les aliments caloriques (viande et féculents), et mange plus souvent, elle commence à réduire les tétées de nuit.

Chez cette enfant, un bon allaitement a permis une bonne prise de poids pendant un temps malgré le RGO et l’allergie. La découverte de l’allergie a permis de régler le problème du RGO et de faire redémarrer la prise de poids.

Cas clinique n°2

Cette mère accouche à terme d’un petit garçon de 3,170 kg.
Elle m’a déjà rencontrée lors de son premier allaitement et fait appel à moi car elle a une mastite et voudrait faire le point sur cet allaitement. J’observe la bouche du bébé et une tétée et je m’aperçois que le bébé ne peut pas ouvrir suffisamment la bouchepour drainer correctement le sein. Je demande à la mère de voir un médecin car sa mastite évolue mal et je pense qu’un traitement antibiotique va s’avérer nécessaire et je suggère à la mère de montrer son bébé à un ostéopathe pour l’aider à ouvrir plus grand la bouche.

La séance d’ostéopathie est efficace, le bébé ouvre mieux la bouche et l’allaitement se met en place correctement. Cependant, le bébé présente un RGO qui empire au fil du temps. Je suggère à la mère d’insister auprès du médecin pour obtenir un traitement efficace.
Le bébé est finalement traité au Mopral qui améliore sensiblement la situation pendant un temps.

La mère me rappelle lorsque son bébé a 6 mois pour des conseils concernant la reprise du travail. Au fil de la conversation, j’apprends que le bébé enchaine les rhumes, la toux et qu’il est en permanence encombré. Je pense que cela peut être des symptômes d’un RGO évoluant à bas bruit et je suggère à la mère d’en parler au médecin de l’enfant. Celui-ci refuse de traiter l’enfant qui ne recrache plus.

Dans les semaines qui suivent, les réveils nocturnes se multiplient et le bébé est toujours encombré. Il pleure beaucoup. Je suggère à la mère la piste de l’allergie alimentaire qui pourrait expliquer le RGO et les réveils multiples.

La mère obtient un rendez-vous avec un premier allergologue qui exclue la piste de l’allergie car l’enfant est toujours exclusivement allaité. Je lui suggère alors de prendre un second avis. Rendez-vous est pris avec un deuxième allergologue. Après une série de tests, celui-ci confirme l’allergie aux protéines de lait de vache, à l’œuf, aux courgettes.
Une éviction est mise en place tant chez la mère que chez l’enfant. La situation s’améliore rapidement : les réveils nocturnesdiminuent et le bébé n’est plus encombré. Mais il pleure encore beaucoup. Un mois plus tard, de nouveaux tests mettent en cause le gluten, le poisson et la viande de bœuf. Au bout de trois semaines d’éviction totale, le bébé commence enfin à se porter nettement mieux.

La mère décide de poursuivre l’allaitement pour que son bébé puisse avoir un régime alimentaire équilibré malgré de nombreuses évictions.

À 18 mois, le bébé est toujours allaité et se porte bien. La mère continue de tirer son lait au travail pour son bébé.

Bibliographie

  • Traité de l’allaitement maternel, LLLI, 1999, pages 113 et 114 et 43 et suivantes.
  • L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman et Teresa Pitman, Jack Newman Communications, 2006, pages 232 à 238 et 240 à 242.
  • Breastfeeding management for the clinician, Using the evidence, Marsha Walker, Jones and Bartlett Publishers, 2006, pages 16 et 17, 335 à 336.
  • Allaiter un bébé souffrant de reflux gastro-œsophagien, les dossiers de l’allaitement n°41, 1999, page 4.
  • Reflux gastro-œsophagien : en contrepoint, les dossiers de l’allaitement n°42, 2000, page 13.
  • Reflux et allergie au lait de vache, les dossiers de l’allaitement n°58, 2004, page 11.
  • Soothing Your Breastfed Baby With Reflux, Phyllis Kombol, Journal of Human Lactation, May 2009; vol. 25: pp. 237 – 238.
  • Diagnostic d’une allergie au lait de vache : une procédure logique, D. de Boissieu, C. Dupont, Archives de pédiatrie 14 (2007) 410–412.
  • Allergie au lait de vache non IgE-médiée, D. de Boissieu, C. Dupont, Archives de pédiatrie 13 (2006) 1471–1473.

Dernière mise à jour : 18 avril 2017 par