Quand la succion est déficiente

Cas clinique

Cette mère a accouché quinze jours avant terme d’un petit garçon de 3,500 kg.
L’accouchement a été long et difficile. L’allaitement a démarré laborieusement.
Le bébé tétait un quart d’heure toutes les deux heures, il pleurait beaucoup, sa mère le calmait en lui donnant le petit doigt à téter et en le portant en écharpe. La montée de lait n’a pas pu être repérée.
À six jours, le bébé pesait 3,230 kg. À deux semaines, il pesait 3,240 kg. Il n’avait plus de selles depuis quelques jours.

Au même moment, la mère déclenche une infection urinaire, elle est très fatiguée. Le bébé continue à n’être bien que dans les bras.
À trois semaines, le bébé n’a toujours pas repris de poids et ne fait toujours pas de selle. Le médecin demande à la mère de donner de l’eau d’Hépar à son bébé.
Celui-ci remplit alors trois couches et perd du poids.
La sage-femme qui fait le suivi à domicile ne s’inquiète pas car le bébé semble aller bien.

À quatre semaines, le bébé pèse 3,220 kg. La mère décide alors de mettre son bébé en peau à peau et de lui donner le sein en permanence.

Le bébé se met à téter de mieux en mieux. À cinq semaines, le bébé pèse 3,260 kg et il mouille désormais 5 à 6 couches par 24 heures.
Le médecin s’inquiète de la prise de poids mais la mère trouve que son bébé va bien et elle refuse de lui donner des compléments.

La mère fait alors appel à moi, le bébé a cinq semaines et demi.
J’observe la bouche du bébé. Il ouvre très bien la bouche mais présente un frein de langue très important. La succion au doigt montre qu’il ne peut quasiment pas tirer la langue.
La mère positionne son bébé en position Biological Nurturing, seule position dans laquelle le bébé accepte de téter. Le bébé est bien positionné mais il ne déglutit quasiment pas.

Je propose à la mère de prendre conseil auprès d’un ORL pour envisager la section du frein de langue.
Je convaincs la mère de donner des compléments à son bébé pour qu’il reprenne du poids rapidement. Je lui propose de donner ces compléments à l’aide d’un DAL pour que le bébé continue à stimuler le sein.
En effet, il faut aussi relancer la lactation. Je lui propose de voir avec son médecin l’opportunité de prendre du Motilium et du fénugrec.

La mère met tout cela en place. Le bébé accepte le DAL très rapidement. Le lendemain, le bébé émet des selles spontanément et mouille davantage ses couches.
L’ORL sectionne le frein de langue.

Deux jours plus tard, le bébé mange régulièrement et la mère sent que son lait est en train de revenir.

Je revois le bébé à six semaines et demie. J’observe sa succion : la langue est libérée et le bébé peut tirer la langue mais il lâche la succion en permanence et rentre la lèvre du bas à chaque mouvement de succion. Je constate que les boules de Bichat sont très proéminentes à l’intérieur de ses joues mais j’ignore si cela est en rapport avec sa difficulté de succion.
En l’absence de lait, le bébé laisse sa langue derrière mais il la tire s’il y a du lait. Avec le DAL, il arrive donc à téter mais en l’absence de DAL, il a besoin d’un bout de sein en silicone pour maintenir sa succion le mieux possible.

Quatre jours plus tard, le bébé réussit à faire une tétée complète et efficace sans le bout de sein en silicone ni le DAL. Le poids remonte, le bébé pèse 3,860 kg à  sept semaines.

À huit semaines, la mère se rend compte que le bébé arrive à maintenir sa lèvre inférieure sortie si on la lui remet régulièrement en place. Les progrès de succion sont lents mais réguliers.

Petit à petit, le nombre de compléments diminue et le bébé est de plus en plus efficace au sein. À neuf semaines, le bébé pèse 4,200 kg.

Actuellement, ce bébé a quatre mois et demi et pèse 6,200 kg. Il se nourrit toujours grâce aux tétées et au DAL, il prend 360 ml par jour de préparation pour nourrisson. Le reste de ses apports est constitué de lait maternel.
La mère continue à prendre du fénugrec et du Motilium.
Le bébé a fait des progrès de succion, il lâche moins le sein et ne rentre presque plus la lèvre inférieure en tétant. La mère a remarqué qu’il tète beaucoup mieux lorsqu’il est calme. Sa succion reste désorganisée, il ne peut donc pas maintenir un niveau de vide intra-buccal suffisant pour avoir une succion vraiment efficace.
La mère a fait le deuil d’un allaitement exclusif mais souhaite pouvoir poursuivre cet allaitement tant que son bébé en aura besoin.

Bibliographie

  • L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman et Teresa Pitman, Jack Newman Communications, 2006, pages 127 à 130.
  • Medela, La science de la succion chez le nourrisson, The University of Western Australia, CD, 2009.

Dernière mise à jour : 19 avril 2017 par