Douleurs aux mamelons d’origine multiple

Agnès

Etude du cas clinique

Cette mère accouche 2 semaines avant terme et par césarienne d’une petite fille de 3200 g, Agnès.
L’allaitement débute difficilement car la mère a des douleurs des mamelons lors des tétées et Agnès perd beaucoup de poids. A J2, elle pèse 2860 g.
Des compléments de préparation pour nourrisson sont alors donnés au biberon à la maternité.
La mère rentre chez elle à J3 car Agnès a repris du poids.
Au retour à la maison, la mère décide de mettre en place un tire-allaitement car les douleurs sont devenues insupportables. Elle fait appel à moi à J6 car elle souhaite revenir à un allaitement au sein sans douleurs de mamelons.

Mon intervention

Je demande à la mère ce qu’elle obtient comme quantité de lait au tire-lait : elle tire 60 ml, 8 fois par 24h, ce qui est très bien.
J’observe la bouche du bébé et je constate les points suivants :
– le frein de langue est très avancé et peu élastique : Agnès ne peut pas recouvrir sa gencive inférieure avec sa langue.
– l’ouverture de bouche est insuffisante.
– lorsqu’elle tète mon doigt, mon doigt cogne contre l’arrière de l’os du palais qui redescend en pente forte. Si le mamelon se place de la même façon que mon doigt, l’extrémité frotte contre l’os du palais.
Les mamelons de la mère sont très larges et présentent des crevasses importantes, qui saignent. La mère est d’accord pour que nous tentions ensemble une mise au sein mais elle redoute la douleur…à juste titre. La mise au sein tentée seule par la mère est tellement douloureuse que nous enlevons immédiatement Agnès du sein.
J’essaie de la mettre au sein une fois moi-même : la douleur est toujours présente mais moindre. Le bébé tète régulièrement et obtient du lait sans problème, elle déglutit régulièrement. Je montre à la mère comment faire mais nous ne pouvons faire de l’entrainement à la mise au sein car la douleur est trop forte.
Lorsqu’Agnès lâche le sein, le mamelon est fortement pincé. J’explique à la mère que plusieurs problèmes conduisent à ces douleurs : le frein de langue qui ne permet pas à Agnès d’avancer sa langue suffisamment, ce qui la conduit à pincer le mamelon, l’ouverture de bouche insuffisante qui ne permet au bébé de prendre que le mamelon en bouche et pas du tout l’aréole, la conformation du palais qui amène le mamelon à frotter contre l’os du palais.
Je propose donc à la mère de :
– prendre rendez-vous avec un ORL pour évaluer la pertinence de sectionner le frein de langue.
– prendre un rendez-vous avec un ostéopathe pour aider Agnès à mieux ouvrir la bouche et vérifier la conformation de son palais.
– poursuivre le tire-allaitement autant que nécessaire pour permettre aux mamelons de cicatriser et de tenter une mise au sein par jour en améliorant la prise du sein, pour qu’Agnès n’oublie pas comment prendre le sein.
– faire des pansements au lait maternel pour faire cicatriser rapidement les mamelons.Les parents sont d’accord avec ces propositions et prennent sur le champ un rendez-vous avec un ORL pour l’après-midi même.
Le frein de langue est donc sectionné le jour même.
Ils voient un ostéopathe le lendemain, qui confirme que la mâchoire est bloquée et aide Agnès à mieux ouvrir la bouche.
La mère me recontacte à J8 : elle trouve qu’Agnès ouvre mieux la bouche.

A J13, je revois cette mère et son bébé car la mère m’explique qu’elle a moins mal mais que la prise du sein est toujours douloureuse. Elle n’arrive à donner le sein qu’une fois par jour. Elle a essayé des bouts de sein en silicone qui n’ont rien changé à la situation.
Agnès prend bien du poids car elle a repris son poids de naissance à une semaine. La mère a une bonne lactation : elle tire 7 fois par 24h, 130 ml à chaque fois.

J’observe Agnès : le frein de langue n’a pas été beaucoup coupé mais la langue avance déjà beaucoup mieux. Par contre elle n’ouvre pas mieux la bouche et mord mon doigt.
La mère ne donne que le sein droit car le gauche est encore trop douloureux. Nous travaillons donc ensemble la mise au sein sur ce sein.
Je propose à la mère de rappeler l’ostéopathe car l’amélioration a été de courte durée.

A J17, je reçois un message pendant mes vacances : Agnès va beaucoup mieux et elle est complètement au sein, sans douleur. C’est la deuxième séance d’ostéopathe qui lui a permis de bien ouvrir la bouche et cela a débloqué la situation.

Dans ce cas, les douleurs des mamelons provenaient à la fois du frein de langue et de la mâchoire du bébé.

Mathilde

Etude du cas clinique

Cette mère accouche 2 semaines avant terme et par césarienne programmée d’une petite fille de 3580 g, Mathilde.
La mère a des douleurs des mamelons dès le début et elle fait appel à une consultante en lactation dès la maternité car elle a des crevasses.
Malheureusement, la professionnelle rencontrée ne regarde pas la succion du bébé et donne uniquement des conseils de position et de cicatrisation des crevasses.
Les crevasses cicatrisent rapidement mais les douleurs restent.
La mère fait alors appel à un ostéopathe qui lui dit que Mathilde n’a aucun problème et qui lui conseille d’utiliser un tire-lait pour espacer les tétées.
Les douleurs continuent.

Mon intervention

La mère fait appel à moi lorsque son bébé a 4 semaines. Elle songe à arrêter l’allaitement car les douleurs des mamelons sont trop importantes.
Elle m’explique qu’elle donne un gros biberon de préparation pour nourrisson par jour pour éviter une tétée la nuit. En contrepartie, elle tire son lait mais n’obtient que quelques gouttes et le tire-lait est douloureux.
Elle me montre son tire-lait : un Kitett Matic avec des téterelles beaucoup trop petites pour ses mamelons, qu’elle utilise avec la force maximale pour espérer tirer plus de lait !J’observe la bouche de Mathilde. Sa succion est parfaite, elle est capable d’ouvrir très bien la bouche puis referme brutalement et crispe très fort la mâchoire. Elle mord très fort mon doigt avec l’avant de la gencive supérieure. C’est déjà très douloureux pour mon doigt, alors j’imagine la douleur pour les mamelons de la mère…
J’observe la mise au sein et je m’aperçois que Mathilde ne prend que le mamelon en bouche et que la mère retient un cri.
Nous retravaillons la mise au sein pour obtenir une bonne ouverture de bouche : c’est déjà beaucoup mieux mais toujours douloureux et le mamelon ressort biseauté de la bouche de Mathilde.Je fais à la mère les propositions suivantes :
Changer de tire-lait et prendre des téterelles en 27 mm, adaptées à la taille de ses mamelons.
– Améliorer la mise au sein pour obtenir une bonne ouverture de bouche.
– Revoir un ostéopathe différent pour travailler sur la crispation de la mâchoire et la tension présente.La mère est d’accord.
Elle me rappelle 2 jours plus tard : la nouvelle mise au sein se passe bien et bénéfice secondaire, Mathilde n’a plus mal au ventre (ce qui découle du fait qu’elle avale beaucoup moins d’air en tétant). Par contre il y a toujours des douleurs car le rendez-vous avec l’ostéopathe aura lieu dans 3 jours.
Le nouveau tire-lait n’est pas douloureux.

Une semaine plus tard, nous faisons le point et la mère m’explique que l’ostéopathe a confirmé ce que j’avais observé et largement détendu Mathilde.
Les tétées se passent beaucoup mieux et le mamelon ne ressort plus biseauté de la bouche de Mathilde.
L’allaitement peut se poursuivre.

Pour cette mère, les douleurs des mamelons venaient à la fois d’une crispation de la mâchoire de Mathilde, d’un mauvais tire-lait et d’une mauvaise mise au sein.

Bibliographie
  • Mannel, Martens, Walker, Core curriculum for Lactation Consultant Practice, Jones and Bartlett Learning, 2013.
  • Catherine Watson Genna, Supporting sucking skills, Jones and Bartlett Publishers, 2008.
  • Marsha Walker, Breastfeeding Management for the clinician, Jones and Bartlett Learning, 2014.
  • J. Newman et T. Pitman, La prise de sein, éditions du Hêtre, 2010.
  • Suzanne Colson, Le biological Nurturing, l’allaitement Zen, DVD, 2014.
  • Suzanne Colson, Introduction au biological Nurturing, Praeclarus press.
  • Allaitement maternel, la mise au sein, DVD, 2007.
  • Dr Jack Newman et Teresa Pitman, L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman communications, 2006.

Dernière mise à jour : 26 janvier 2017 par Véronique Darmangeat