Rétention placentaire et allaitement

Claire

Sculpture gréco romaine du IIIe siècle avant JC.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche quatre semaines avant terme et par voie basse d’une petite fille, Claire, de 3,000 kg, son premier enfant.
Très rapidement, Claire fait un ictère important et est transférée dans un autre établissement hospitalier. A la sortie de maternité, à J4, Claire est toujours en perte de poids.
La mère amène son bébé régulièrement à la PMI pour surveiller le poids qui n’est pas satisfaisant car Claire ne prend pas de poids.
La mère décide alors de tirer son lait mais n’obtient que 30 ml par 24h, en 4 tirages en plus des tétées.
A 3 semaines et demi, Claire pèse 3,000 kg et la PMI demande à la mère de donner des compléments. La mère donne donc les deux seins puis un complément de 60 à 90 ml, 7 fois par 24h. Le poids remonte immédiatement puisque Claire prend 400 g en une semaine.

Mon intervention

La mère fait appel à moi à 5 semaines car elle souhaite depuis toujours un allaitement exclusif et vit mal cet allaitement mixte.
De son côté, le père souhaite garder des biberons.La mère ne présente aucun souci de santé particulier, ses seins ont augmenté de volume au cours de la grossesse mais quasiment pas après la naissance.
Claire ne présente pas non plus de souci de santé.J’observe sa bouche et je constate qu’elle n’ouvre que très peu la bouche et présente une crispation importante de la mâchoire et un réflexe nauséeux hyperactif.
J’observe ensuite une tétée : la prise du sein n’est pas bonne. Je montre donc à la mère comment améliorer cette prise du sein, tout en constatant qu’il est impossible d’avoir une prise parfaite car Claire n’ouvre pas assez la bouche.
Claire ne déglutit que très peu et s’endort très vite au sein.
Nous essayons de mettre en place un DAL au sein et Claire se réveille tout de suite pour téter efficacement et boire tout le complément au DAL.

Au détour de la conversation, la mère m’explique qu’une sage-femme lui a demandé de faire des examens sanguins et que le laboratoire l’a appelée pour lui dire qu’elle est enceinte ! Je pense immédiatement à une rétention placentaire et demande à la mère si elle a toujours des saignements. Elle me confirme que oui, en petite quantité mais en continue depuis la naissance.
J’informe la mère qu’il faut qu’elle retourne consulter immédiatement à la maternité pour vérifier une éventuelle rétention placentaire.
Je lui propose également de rencontrer un ostéopathe pour Claire, pour l’aider à décrisper la mâchoire et ouvrir plus grand la bouche.
Je lui explique également, qu’il existe des exercices de désensibilisation du nauséeux et comment les faire.
Enfin, nous convenons de poursuivre les compléments au DAL en attendant les résultats concernant la rétention placentaire.

Les urgences confirment la rétention placentaire de 3 cm et proposent un traitement médicamenteux au cytotec pour éviter une révision utérine. Ce traitement ne fonctionne pas. Un deuxième est prescrit une semaine plus tard, sans plus de résultat.
A 6 semaines, Claire tombe malade et passe 6 jours à l’hôpital pour bronchiolite. La mère tire alors son lait tous les jours pour obtenir entre 30 et 70 ml par jour, Claire est nourrie au biberon. Les exercices pour le nauséeux font leur effet et Claire n’est quasiment plus gênée par celui-ci.
A 7 semaines, une révision utérine est faite mais il est trop tard pour la lactation qui ne redémarre pas, à la grande déception de la mère.

Chez cette mère, la rétention utérine a bloqué la lactation à un niveau très bas pendant de trop nombreuses semaines. La révision utérine a été trop tardive et n’a pas permis le redémarrage de la lactation.

Louis

Abondance, Francis Derwent Wood, début du XXème siècle.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche un mois avant terme et par voie basse d’un petit garçon, Louis, de 3,100 kg, son deuxième enfant.
Elle a allaité son ainé pendant 6 mois, sans problème particulier.
L’allaitement démarre en salle de naissance et se passe plutôt bien du point de vue de Louis qui prend du poids régulièrement et se porte comme un charme puis qu’à 3 mois, il pèse 7 kg.
Mais du côté de la mère, les douleurs aux mamelons commencent très tôt et des crevasses apparaissent.
La mère poursuit l’allaitement dans ces conditions car son bébé va bien et me contacte lorsque son bébé a 4 mois car les douleurs deviennent intolérables.

Mon intervention

Elle m’explique alors qu’elle a eu une rétention placentaire avec une révision utérine lorsque son bébé a eu 2 mois ! Après cette intervention, la lactation a subitement augmenté de manière trop importante et la mère a présenté des épisodes de mastites à répétition et a du faire baisser sa lactation à l’aide de plantes.

Je regarde le bébé qui présente un palais haut et une toute petite ouverture de bouche. Quand il prend le sein, il pince fort et le mamelon ressort complètement aplati.
Des ampoules sont présentes sur les mamelons et sont très douloureuses pour la mère qui les perce régulièrement. Je m’aperçois alors que ces ampoules suppurent.

Je propose à la mère d’améliorer la prise du sein autant que possible, de voir un ostéopathe pour aider Louis à mieux ouvrir la bouche et de voir son médecin pour traiter localement les mamelons.

Le médecin prescrit du Mupiderm qui fonctionne très bien.
L’ostéopathe a besoin de trois séances pour que Louis ne pince plus et améliore largement l’ouverture de bouche.
Lorsque Louis a 5 mois, l’allaitement n’est plus douloureux, la lactation s’est adaptée aux besoin du bébé et Louis pèse 8 kg.

Chez cette mère, la rétention placentaire a fait diminuer la lactation mais personne ne s’en est rendu compte car la mère était en hyperlactation qui ne s’est réellement déclenchée qu’après la révision utérine.

Bibliographie
  • Lawrence, Breastfeeding, Elsevier, 2015, page 566
  • Mannel, Martens, Walker, Core curriculum for lactation consultant practice, ILCA, third edition, p.725.
  • West, Marasco, Making more milk, LLLI, 2009, p.127.
  • Catherine Senez, Rééducation des troubles de l’alimentation et de la déglutition, De Boeck solal, 2002.

Dernière mise à jour : 26 janvier 2017 par Véronique Darmangeat