Prolactinome et allaitement

Yanis

Femme et enfant, Julius Gari Melchers

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme, d’un petit garçon, Yanis pesant 3,285 kg.
Les débuts de l’allaitement sont difficiles. La mère souffrant d’un adénome à prolactine et d’une hypothyroïdie sévère, la lactation a du mal à se mettre en place.
De plus, personne ne montre à cette mère comment positionner son bébé au sein en maternité.
La mère fait appel à moi à J9 car elle donne beaucoup de compléments à son bébé, utilise des bouts de sein en silicone, a de fortes douleurs lors de la tétée et utilise un tire-lait, elle se sent complètement perdue.

Mon intervention

Je constate que la succion du bébé était parfaite et qu’il est capable de téter parfaitement bien. Cependant, par peur de la douleur, la mère se recule automatiquement à chaque mise au sein et est très mal à l’aise pour mettre son bébé au sein.
Nous revoyons ensemble la technique de mise au sein. Nous mettons également en place un protocole d’augmentation de la lactation en utilisant à la fois un tire-lait électrique double pompage et un dispositif d’aide à la lactation (DAL) pour que les seins soient stimulés au maximum, y compris lors du don de complément (grâce au DAL).
J’évoque avec la mère la possibilité de prendre du fénugrec pour aider à faire remonter la lactation et je lui suggère d’en parler avec son médecin car j’ignore s’il existe une contre-indication avec un prolactinome. L’endocrinologue craint de déséquilibrer le prolactinome et conseille à la mère de ne pas prendre de fénugrec.
La mère redoutant d’enlever les bouts de sein en silicone, je lui montre comment les poser correctement de manière à ce qu’ils fassent ventouse, ne tombent pas et que le bébé avale moins d’air.
La mère met tout cela en place et je la suis quasi quotidiennement par mail ou par téléphone. Je la revois à trois semaines, la mise au sein est parfaite mais le bébé prend encore 200 ml de préparation pour nourrisson par 24h. A un mois et demi le bébé est exclusivement au sein, sans bout de sein en silicone, et prend 38g par jour. Tout va bien.
Chez cette mère, contrairement à mon attente, le prolactinome n’a pas provoqué d’hyperlactation. C’est certainement dû au fait qu’il était de faible volume.

Raphaël

Norman Hepple, Mother and child

Etude du cas clinique

Cette mère accouche deux semaines avant terme d’un petit garçon, Raphaël, de 3,800 kg.
La montée de lait se fait à J3. Elle est extrêmement douloureuse et la maternité conseille à la mère de tirer son lait en plus des tétées pour soulager les seins.
La mère rentre chez elle à J4. À partir du lendemain, elle enchaine les épisodes d’engorgement et de mastites sur les deux seins alternativement.
Elle fait appel à moi à douze jours. Elle tire alors son lait après chaque tétée et réveille son bébé toutes les deux heures car ses seins ne peuvent pas supporter un intervalle plus grand. Elle tire 200 ml sur la journée pour ne pas surstimuler les seins mais les soulager. Elle a mal aux seins en permanence et n’en peut plus. Le bébé a pris 600g en cinq jours.

Mon intervention

En l’interrogeant sur ses antécédents, j’apprends qu’elle présente un prolactinome et que son taux de prolactine est nettement plus élevé que la normale.
Son bébé tète très bien mais avale très vite. Il est vite submergé de lait et ne peut donc pas drainer les seins suffisamment.
Nous convenons d’essayer la méthode du drainage complet. Elle tire son lait une première fois avec un bon tire-lait électrique, mais ses seins sont tellement tendus qu’elle tire difficilement 150 ml et a la sensation de ne pas avoir drainé ses seins suffisamment. Les 24 heures suivantes, les seins sont un peu plus souples mais le surlendemain, la situation est revenue à son point de départ.
Nous essayons un second drainage complet trois jours après le précédent, les résultats ne sont pas meilleurs.
Je suggère à la mère d’envisager avec son médecin la prise de bromocriptine pendant l’allaitement pour réguler son taux de prolactine. Le médecin refuse d’utiliser de la bromocriptine pendant l’allaitement.
La mère est épuisée et ne supporte plus la douleur permanente. Elle souhaite sevrer complètement.
Je suggère à la mère de voir avec son médecin l’utilisation de cabergoline pour stopper l’allaitement et je lui fournis de la documentation pour le médecin. Celui-ci refuse d’envisager la prise de cabergoline et et prescrit de la Bromocriptine, ce qui  permet à la mère de sevrer en quelques jours.
La mère est soulagée mais aurait souhaité avoir de l’information pendant la grossesse sur l’influence d’un prolactinome sur la lactation.
Bibliographie
  • Pour la méthode du drainage complet :
    Caroline GA van Veldhuizen-Staas, International  Breastfeeding Journal, août 2007.
  • Pour l’hyperlactation :
  • – Allaiter Aujourd’hui n°78, LLLF, janvier/février/mars 2009.
    – Les dossiers de l’Allaitement n°77, LLLF, page 6, octobre/novembre/décembre 2008.
  • Pour le prolactinome
    – Les dossiers de l’Allaitement n°22, LLLF, page 19, janvier 1995.
    – Les dossiers de l’Allaitement n°44, LLLF, page 14, juillet 2000.
    – Les dossiers de l’Allaitement n°70, LLLF, page 19, janvier 2007.
    – Lawrence, Breastfeeding, Elsevier, 2016, p 574-576.

Dernière mise à jour : 26 janvier 2017 par Véronique Darmangeat