Quand l’allaitement démarre mal

Nolan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les voyageurs fatigués (ou La fin de la journée) Jean-Charles Cazin, 1885 Huile sur toile Corcoran Art Gallery, Wahsington DC, Etats-Unis d’Amérique

Etude du cas clinique
Cette mère accouche à terme d’un petit garçon de 3700 g, Nolan.
L’accouchement est long, plus de 30h.
Nolan est fatigué à la naissance et tète très peu. Très vite, il déclare un ictère important et est traité par photothérapie. La mère continue à l’allaiter mais Nolan s’endort très vite sur le sein.
Le personnel de la maternité propose donc à la mère de tirer son lait et de le donner à la seringue au doigt pour que Nolan réussisse à manger suffisamment.

A la sortie de la maternité, Nolan n’est toujours pas efficace au sein et le personnel dit à la mère de donner d’abord le sein puis un biberon de lait maternel à chaque repas.
La mère fait appel à moi lorsque Nolan a 10 jours car elle veut le remettre au sein exclusivement. Nolan prend 500 ml par 24h au biberon. De plus, les tétées sont douloureuses et la mère voudrait améliorer cela.

Mon intervention
Lorsque j’arrive, Nolan dort. Au terme de ma conversation avec les parents, je propose de le réveiller pour que je puisse l’observer et le voir téter. Mais il est très difficile à réveiller.
J’observe Nolan qui a un bon tonus. Il présente un frein de langue de type III peu élastique mais réussit quand même à bien téter mon doigt. Il ne présente aucune autre particularité et je pense alors que l’on devrait pas avoir de mal à le remettre au sein.
La mère installe Nolan en position de ballon de rugby pour le mettre au sein. J’observe qu’il n’ouvre pas assez la bouche, déglutit facilement tant que le lait coule tout seul puis s’endort. En sortie de bouche, le mamelon est biseauté.
Je propose à la mère d’installer Nolan en madone inversée. Il ouvre alors bien mieux la bouche et tète de manière plus efficace. Lorsqu’il s’assoupit, la compression du sein lui permet de relancer la tétée efficacement. La mère n’a plus mal au cours de la tétée.

La mère m’explique qu’elle tire son lait 8 fois par 24h et qu’elle obtient entre 900 ml et un litre de lait par 24h.
La lactation est donc très abondante et cela permet à Nolan d’obtenir du lait plus facilement.
Je propose aux parents de faire un essai de 24h sans biberon, uniquement en mettant Nolan au sein, dès ses premiers signes de faim. S’ils ont l’impression qu’il ne mange pas assez ou que les couches ne sont pas suffisamment souillées, ils restent seuls juges pour proposer un biberon de lait maternel. Je leur demande de me recontacter dans 24h pour faire le point. J’explique également à la mère qu’il est possible que ses seins deviennent tendus si elle arrête brutalement le tire-lait. Je lui propose donc de tirer un petit peu de lait, juste pour soulager, si jamais ses seins sont trop tendus.

Lorsqu’ils me rappellent, ils m’expliquent qu’ils ont complété les deux premières tétées puis ont arrêté les biberons et n’ont donné que le sein.
Nolan a été beaucoup plus efficace, les couches sont correctement souillées.
Par contre, il n’ouvre pas toujours suffisamment la bouche. J’explique à la mère d’essayer de placer Nolan plus proche d’elle, avec le mamelon vraiment collé sous son nez pour favoriser une bonne ouverture de bouche.
La mère a du tirer son lait pour soulager ses seins trois fois.
Les parents sont d’accord pour continuer ainsi pour les 24h suivantes.

Au cours de ces 24h suivantes, Nolan a rapproché ses tétées, il ne fait plus mal à sa mère et ses couches sont parfaitement souillées.
Les parents sont confiants pour continuer ainsi.

A J18, Nolan pèse 4620 g. Il a pris en moyenne 71 g par jour, une performance qu’il accomplit désormais uniquement au sein, dans le confort !


Amélie

mauvais démarrage allaitement

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Maternité Eugène Carrière, vers 1900 Huile sur carton, environ 32 x 34 cm Musée des Avelines, Saint-Cloud, France

Etude du cas clinique
Cette mère accouche deux semaines avant terme, par césarienne en urgence, d’une petite fille de 2700 g, Amélie.
L’allaitement démarre mal, car Amélie, soit ne prend pas le sein, soit le prend et le lâche au bout de 2 minutes. La mère commence donc à donner des biberons.
En parallèle, elle commence à tirer son lait 4 à 5 fois par 24h mais ne tire jamais plus de 10 ml par tirage.
A 6 semaines, elle comprend qu’elle a loué un mauvais tire-lait et change pour un tire-lait efficace et confortable, en double pompage.
Elle commence également à tirer son lait plus souvent pour arriver à 8 tirages par jour.
Mais son entourage ne comprend pas sa démarche et lui reproche de s’acharner alors que sa fille grossit bien au biberon.

Elle fait appel à moi lorsqu’Amélie a 7 semaines.
Elle tire alors 240 ml de lait par 24h et souhaite avant tout que sa fille soit nourrie au lait maternel, même s’il faut lui donner au biberon.
Elle a consulté un ostéopathe pour essayer de comprendre pourquoi sa fille ne prend pas le sein mais celui-ci n’a rien changé à la situation.

Mon intervention
J’observe Amélie, qui est un beau bébé de 4500 g. En observant sa bouche et sa succion, je m’aperçois qu’Amélie présente un frein de langue postérieur, de type IV, extrêmement serré, qui bloque totalement le mouvement de langue. La langue reste bloquée en permanence derrière la gencive et ne bouge quasiment pas.
De plus, l’ouverture de bouche est toute petite et Amélie crispe très fort la mâchoire.

La prise de sein est impossible car l’ouverture de bouche est beaucoup trop petite et la langue n’avance pas du tout.
J’observe un repas au biberon : la tétine du biberon passe tout juste entre les gencives et Amélie la mâche avec ses gencives pour faire couler le lait. La déglutition est compliquée et le lait coule partout autour de sa bouche.
J’explique à la mère la nécessité de voir un ORL qualifié pour faire sectionner ce frein de langue handicapant pour Amélie.
Je lui explique également qu’il serait intéressant de voir ensuite un ostéopathe pour travailler sur l’ouverture de bouche et la crispation de la mâchoire.
Enfin, je lui explique comment stimuler sa lactation en adoptant la technique de tirage de Jane Morton et en lui suggérant l’usage du Fénugrec.

Le frein de langue est sectionné sans problème trois jours plus tard et Amélie ouvre déjà un tout petit peu mieux la bouche.
La mère a commencé la nouvelle méthode de tirage et elle tire désormais 350 ml de lait par 24h. Par la suite je perds la trace de cette maman.

Si le frein de langue avait été détecté et traité dès la maternité, la situation aurait été bien différente. Mais non seulement, le frein n’a pas été détecté mais aucune indication n’a été donnée à la mère pour mettre en place sa lactation.

Bibliographie

  • Mannel, Martens, Walker, Core curriculum for Lactation Consultant Practice, Jones and Bartlett Learning, 2013, page 275-287.
  • Marsha Walker, Breastfeeding management for the clinician, Using the evidence, Jones and Bartlett Publishers, 2014, page 131-178.
  • Watson Genna, Supporting sucking skills, Jones and Bartlett, 2008.
  • Traité de l’allaitement maternel, LLLI, 1999, pages 367 à 382.
  • Jack Newman et Teresa Pitman, L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman Communications, 2006.
  • Relactation à un mois post-partum, les dossiers de l’allaitement n°55, 2003, page 9.
  • OMS, La relactation, 1998.
  • Diana West et Lisa Marasco, Making more milk, Mc Graw Hill, 2009.
  • Protocoles cliniques de l’Academy of Breastfeeding Medicine, Protocole n°9, Utilisation des galactogènes pour l’induction ou l’augmentation de la sécrétion lactée, Première révision, Janvier 2011. Breastfeed Med 2011 ; 6(1) : 41-6.

Dernière mise à jour : 4 mai 2017 par Véronique Darmangeat