Frein de langue postérieur

Julie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Motherhood (Portrait of Zofia Żeleńska with Her Son Staś) Stanisław Wyspiański (1869-1907)

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme d’une petite fille de 2900 g, Julie.
L’allaitement démarre mal à la maternité : Julie n’arrive pas à du tout à prendre le sein. La mère commence donc à tirer son lait 3 jours après la naissance.
Une sage-femme évoque la possibilité d’un frein de langue gênant.
Les parents prennent rendez-vous en sortie de maternité avec un ORL. A une semaine, l’ORL confirme que le frein de langue est serré et le sectionne.
Mais Julie ne prend toujours pas le sein. La mère continue à tirer son lait et prend contact avec le Centre allaitement pour obtenir une consultation d’allaitement.

Mon intervention

Je vois cette famille en consultation à J10.
Julie ne prend pas le sein. Elle est nourrie au DAL au doigt, moitié avec du lait maternel et moitié avec une préparation pour nourrissons.
Ses parents souhaitent pouvoir remettre en place un allaitement au sein.

J’observe la bouche de Julie : elle n’ouvre pas grand la bouche et serre fort les mâchoires, seule la partie antérieure du frein de langue a été sectionnée mais la partie postérieure est très serrée et l’arrière de la langue est collé au plancher de la bouche. La langue peut désormais bouger vers l’avant mais pas du tout en hauteur. Lorsque je propose mon petit doigt à téter à Julie, elle le garde en début de bouche sans pouvoir l’amener en fond de bouche. Si j’avance mon doigt dans sa bouche, elle ne peut pas du tout monter puis abaisser l’arrière de la langue pour créer une dépression. Je peux retirer mon doigt très facilement, ce qui est anormal.

Nous essayons une mise au sein : même avec une position optimale, Julie n’arrive pas à ouvrir grand la bouche pour prendre le sein et ne peut pas garder le mamelon en bouche.
Nous essayons avec un bout de sein en silicone pour que le mamelon se trouve plus loin en bouche, elle ne le garde pas en bouche.
Nous essayons alors d’ajouter le DAL sur le bout de sein en silicone en plaçant Julie en position biological nurturing : elle réussit à téter à condition de la garder bien plaquée contre sa mère car le mamelon sort de sa bouche facilement.

Je propose aux parents d’utiliser cette solution pour nourrir Julie en observant si l’ouverture de bouche s’améliore au fil des jours. Si jamais Julie s’énerve, je leur propose de terminer son repas au DAL au doigt qu’elle connait bien.
Je leur explique que le frein de langue n’a pas été sectionné correctement et qu’il faudrait le refaire pour que la partie postérieure du frein soit sectionnée.
Je propose à la mère de tirer son lait avec un bon tire-lait et en utilisant la méthode du tirage combiné, après chaque tétée, de manière à stimuler la lactation de manière optimale.
Enfin, je propose d’utiliser en complément des plantes (fenugrec et moringa) pour stimuler la lactation.

La famille revient au Centre allaitement 3 jours plus tard pour rencontrer l’ORL et sectionner à nouveau le frein de langue, ce qui se passe très bien.
Julie réussit à manger presque tous ses repas au sein avec bout de sein en silicone et DAL.

Les parents me recontactent à J17 : le matin même, Julie a réussi à prendre le sein sans le bout de sein en silicone et à téter trois quart d’heure dans lâcher le sein. C’est une vraie victoire pour la mère qui se désespérait de la situation.
Julie prend alors 500 ml au DAL par 24h.
La mère tire 350 ml par 24h en 5 tirages. Elle n’arrive pas à faire plus de tirages car Julie veut être beaucoup dans les bras et en journée, la mère est seule avec son bébé.

A un mois, Julie fait toutes ses tétées au sein et la mère ne tirant quasiment plus rien au tire-lait après les tétées a arrêté les tirages.
Julie a encore besoin de 400 ml au DAL en plus des tétées, par 24h.
La lactation de la mère a stagné à partir de J17 et on n’a pas réussi à récupérer la lactation.

La lactation de cette mère a été mal stimulée au démarrage car Julie ne tétait pas et le tire-lait a été instauré trop tard. Les tirages ont été ensuite insuffisants pour rattraper la lactation.

Joseph

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Madonna and Child by David Foote Black India Ink and Hyper-Metallic Acrylic Paint on Canvas 60×48 inches

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme d’un petit garçon de 3 kg, Joseph.
En maternité et lors des deux premières semaines, la prise de poids est bonne. Par contre la mère a mal aux mamelons. Elle utilise donc des bouts de sein en silicone.
Brutalement à 2 semaines, Joseph perd 20 grammes en deux jours au lieu de prendre du poids.
La PMI conseille donc aux parents de compléter les tétées au biberon. Joseph reprend 20 g par jour et les parents ne donnent alors un biberon que lorsque Joseph ne semble pas rassasié après les deux seins.

Mon intervention

La mère vient consulter au Centre allaitement à 3 semaines et un jour car Joseph refuse désormais le sein. Il n’arrive plus à s’accrocher au sein et hurle devant le sein. La mère a les seins engorgés malgré l’usage d’un tire-lait manuel.
Le bébé prend au biberon le lait maternel tiré et de la préparation pour nourrissons.
La mère souhaite que son bébé soit nourri avec son lait entièrement et qu’il reprenne du poids avant d’essayer de le remettre au sein car elle est très angoissé par l’idée qu’il puisse ne pas manger assez.

J’observe Joseph : il n’ouvre pas très grand la bouche. Le mouvement de langue est limité, la langue n’avançant pas plus loin que les lèvres et l’arrière de la langue ne pouvant pas se décoller du plancher de la bouche.
Nous essayons une mise au sein : la mère seule n’arrive pas à faire prendre le sein à Joseph. Je l’aide donc à l’installer en madone inversée et il arrive à prendre le sein mais il pince fortement le mamelon et n’est pas satisfait après la tétée.

J’explique à la mère que le frein de langue de Joseph n’est pas élastique et qu’il ne peut pas se servir normalement de sa langue, ce qui explique ses difficultés au sein. Comme il n’a pas stimulé correctement les seins, la lactation s’est effondrée. Il faut donc désormais relancer la lactation et s’occuper de la succion de Joseph. La mère est d’accord pour faire sectionner le frein de langue de Joseph.
Je lui explique qu’en sectionnant le frein, il est possible que Joseph ouvre spontanément mieux la bouche. Si ce n’est pas le cas, on envisagera la possibilité de voir un ostéopathe pour l’aider à mieux ouvrir la bouche.
Je lui propose également de louer un bon tire-lait électrique en double pompage et de tirer son lait au moins toutes les trois heures en tirage combiné, en complétant avec des plantes (fenugrec et moringa) pour stimuler la lactation.
Je lui explique comment donner le biberon de manière à préserver la succion et l’ouverture de bouche de Joseph, puisque les parents ne souhaitent que ce moyen pour nourrir Joseph.
Enfin j’explique à la mère comment soigner ses mamelons grâce à des pansements au lait maternel.

Le lendemain, la mère me dit qu’elle a tiré 370 ml sur 24h, elle est très inquiète de cette quantité. Je lui explique que ce n’est qu’un début et que les quantités vont augmenter petit à petit.

Deux jours plus tard, le frein de langue est sectionné par l’ORL du Centre allaitement.

A 4 semaines, la mère tire 495 ml par 24h et l’amélioration se poursuit. La mère a toujours peur que sa lactation ne soit pas suffisante.
Le lendemain, la mère m’appelle car elle fait une mastite. Elle présente une petite zone dure. Je lui donne les conseils habituels en cas de mastite sans fièvre mais la mère est terrorisée par la possibilité que cela dégénère en abcès et décide d’arrêter l’allaitement. Je dois la persuader de ne pas le faire brutalement car elle risque de faire empirer la situation. Petit à petit, elle diminue les tirages et arrête l’allaitement.

Dans le cas de cette mère, le frein de langue de Joseph l’a empêché de bien drainer les seins et la lactation a brutalement baissé. La remonté de la lactation était bonne mais la mère n’a jamais voulu remettre Joseph au sein alors qu’il aurait pu désormais téter efficacement et elle a arrêté l’allaitement car son angoisse était trop forte.


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Dernière mise à jour : 22 novembre 2017 par Véronique Darmangeat