Douleurs résistantes

Emeline

douleurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Etude du cas clinique
Cette mère accouche deux semaines avant terme d’une petite fille de 3300 g, Émeline.
L’allaitement est douloureux dès la première mise au sein. Lors des tétées, le sein gauche est un peu douloureux et le sein droit est très douloureux pendant toute la tétée. Émeline prend bien du poids.
Les parents me contactent à deux semaines car la douleur n’est plus supportable.

Mon intervention
J’observe la bouche d’Émeline en lui proposant mon petit doigt à téter. Je me rends compte qu’elle ne peut pas avancer la langue plus loin que les lèvres : le frein de langue de type IV est très serré. De plus elle me mord très fort le doigt.
J’observe une tétée, très douloureuse pour la mère, au cours de laquelle Émeline déglutit régulièrement. Elle est rassasiée après la tétée. J’observe qu’elle n’est pas du tout à l’aise pour lever la tête pour prendre le sein.

J’observe les seins de la mère qui sont très irrités et crevassés.

Je propose aux parents de montrer Émeline à l’ostéopathe du Centre allaitement pour l’aider à décrisper la mâchoire et lever la tête plus facilement.
Je leur propose également de faire sectionner le frein de langue par l’ORL du Centre allaitement qui peut les voir le lendemain.
Les parents souhaitent réfléchir avant de voir ces deux professionnels.
Je propose à la mère de faire des pansements au lait maternel pour aider les crevasses à cicatriser.
Enfin, je lui suggère d’utiliser un tire-lait de bonne qualité pour tirer son lait et le donner à la seringue au doigt à Émeline, quand elle a trop mal pour la mettre au sein.

Les parents me recontactent le lendemain. La mère a toujours très mal, elle utilise donc le tire-lait et la seringue au doigt. Les parents sont d’accord pour voir l’ostéopathe. Le rendez-vous est pris pour trois jours plus tard.

Deux jours plus tard, les seins font moins mal mais la mère n’en peut plus de devoir tirer son lait pour le donner à la seringue au doigt. Les parents sont d’accord pour voir l’ORL. Ils le voient le lendemain. Le frein de langue est sectionné sans souci mais la mère ne voit aucune différence au sein.

Le lendemain, ils voient l’ostéopathe au Centre allaitement, j’en profite pour les revoir dans la foulée et voir comment se passe la prise du sein.
Je constate que la langue est bien libérée mais pas encore complètement efficace.
L’ostéopathe a constaté qu’Émeline a tendance à avancer la mandibule inférieure pour prendre le sein et que cela engendre une crispation de la mâchoire.
La tétée se passe mieux. Les parents sont d’accord pour faire le test de repasser complètement Emeline au sein et d’arrêter le tire-lait et la seringue au doigt.

La mère me recontacte le lendemain, elle ne voit pas d’amélioration et Emeline a réclamé le sein toutes les heures pendant la nuit.

A trois semaines et deux jours, la situation empire, les mises au sein redeviennent aussi douloureuses qu’au début.
La mère a donc repris le tire-lait mais elle a aussi mal au tire-lait.
Le bébé doit revoir l’ostéopathe dans quelques jours.
Je lui propose d’essayer de changer de téterelle de tire-lait.
La prise de poids est toujours parfaite.

A trois semaines et cinq jours, ils voient l’ostéopathe au Centre allaitement, j’en profite pour les revoir et retravailler la prise du sein.
Émeline sait désormais très bien se servir de sa langue et la prise du sein est parfaite.
La mère garde encore une crevasse sur chaque mamelon et utilise des coupelles en argent pour la cicatrisation.
Comme la tétée se passe bien, je propose de remettre complètement Emeline au sein.

Quatre jours plus tard, les crevasses n’ont toujours pas cicatrisé alors que la prise du sein est bonne. Je suggère donc à la mère de voir avec son médecin si l’usage d’un antibiotique local est indiqué. Le médecin prescrit du Mupiderm à mettre sur les crevasses quelques jours plus tard.

A cinq semaines et trois jours, le sein gauche est guéri et n’est plus douloureux lors des tétées. Par contre la crevasse est toujours là sur le sein droit et la douleur toujours forte. La mère a donc essayé de mettre un bout de sein en silicone mais cela ne fait pas diminuer la douleur.
Le sein droit est dur et douloureux car Émeline ne le draine pas bien.
De plus elle avale de l’air en tétant, boit très vite et s’étouffe régulièrement au sein.

Je revois la famille le lendemain. Emeline est entièrement au sein depuis cinq jours et la mère ne tire plus son lait.
Sur le sein droit, la crevasse est toujours présente.
J’observe la bouche d’Émeline, le mouvement de langue est parfait et elle ne crispe plus la mâchoire. Par contre elle la resserre un peu plus du côté droit.
J’observe une tétée sur les deux seins. Sur le sein gauche, la position est parfaite avec une bonne ouverture de bouche. Il n’y a pas de douleur pour la mère. Par contre Émeline lâche régulièrement quand le lait arrive trop vite.
Sur le sein droit, Émeline a beaucoup de mal à lever la tête et dès qu’elle ouvre grand la bouche, elle met sa tête en flexion avant. De ce fait, la prise du sein est difficile et douloureuse pour la mère.

Je propose alors de ne garder que des tétées sur le sein gauche, qui produit suffisamment de lait pour nourrir entièrement Émeline. Cela devrait permettre de mettre le sein droit au repos, uniquement au tire-lait qui ne fait plus mal. Mais comme lors de la dernière suspension des tétées, la crevasse ne s’était pas refermée, j’ai beaucoup de doutes sur la cicatrisation. Je propose donc à la mère de revoir son médecin pour envisager l’utilisation de la pommade tous usages de Jack Newman.
Je recontacte l’ostéopathe pour lui expliquer la situation. Elle pense pouvoir encore améliorer les choses. Les parents reprennent donc un rendez-vous pour la semaine suivante.

Aujourd’hui nous sommes à cinq semaines et cinq jours et j’attends de voir le résultat de la pommade tous usages et de l’ostéopathe.
Dans le pire des cas, les parents sont d’accord pour maintenir l’allaitement uniquement sur le sein gauche et d’arrêter la lactation sur le sein droit. Nous verrons donc.


Bibliographie

  • Pommade du Dr Jack Newman à la mode française, Dossiers de l’Allaitement n° 74 (Janvier – Février – Mars 2008).
  • Watson Genna, Supporting sucking skills, Jones and Bartlett, 2008.
  • Freins de langue, freins de lèvre : des freins à l’allaitement, Allaiter aujourd’hui n° 95 (2013), voir la bibliographie très complète en fin d’article.

 

Dernière mise à jour : 21 septembre 2017 par Véronique Darmangeat