L’allaitement d’un bambin

Allaitement long

Etude du cas clinique

Cette mère a accouché dix jours avant terme d’un petit garçon de 3,750 kg.
Celui-ci est opéré d’une sténose du pylore à dix jours et ne reprend son poids de naissance qu’à un mois.
Il est ensuite suivi pour des pleurs inexpliqués. À deux mois il pèse 5,130 kg et 6,430 à trois mois. Les traitements se succèdent sans résultats : le bébé continue à avoir des pleurs très fréquents et violents, il demande très souvent à téter. Il tète efficacement et déglutit très bien malgré un palais très creux. La mère présente une hyperlactation évidente.
Un médecin demande à la mère d’espacer les tétées toutes les quatre heures car « elle nourrit trop son enfant, c’est ce qui le fait pleurer. »
La mère fait l’essai sur quelques jours, les couches sont toujours bien souillées mais les pleurs redoublent. Elle reprend donc l’allaitement à la demande.

À six mois, le bébé pèse 10,300 kg, il pleure toujours autant. À sept mois, le bébé pèse 12 kg et un gastro-entérologue pose un diagnostique de hernie hiatale avec très fort RGO associé. Les traitements entrepris sont inefficaces et conduisent à une chirurgie à l’âge d’un an.
Le problème de douleurs et de pleurs est entièrement résolu, le bébé est toujours allaité à la demande.

A la suite de l’opération, le bambin n’ayant plus mal, il demande moins souvent à téter en journée mais continue à téter toutes les deux heures en complément d’une alimentation diversifiée qu’il apprécie. Il garde ce rythme de tétées toutes les deux heures la nuit.
Comme il n’a jamais pu apprendre à dormir sereinement, il commence cet apprentissage à l’âge d’un an avec un passé lourd d’expériences douloureuses et insécurisantes. Il demande donc toujours une présence parentale importante la nuit.

Au fil des mois, il espace petit à petit les tétées de jour et de nuit.
Vers 18 mois, la mère fatigue de cet allaitement et se demande si elle ne va pas mettre en place un sevrage. L’enfant sent les hésitations de sa mère et redemande très souvent à téter pour se sécuriser. La mère se rend compte que son enfant n’est pas prêt pour un sevrage et lui explique qu’il peut téter tranquillement, qu’elle ne va pas le sevrer. Il reprend alors son rythme de tétées habituel.

Vers deux ans, il demande à téter quand il veut s’endormir, au réveil ou quand il a peur ou mal. La nuit il tète encore deux ou trois fois par nuit.
Vers deux ans et demi, il tète au réveil et à l’endormissement mais ne demande plus à téter en journée : il est très intéressé par la vie qui l’entoure et ne ressent plus le besoin de téter. La nuit il tète toujours deux ou trois fois.

Ces réveils comment à peser sur la vie de famille et la mère décide de la sevrer de nuit. Elle lui explique que désormais il pourra téter le soir et le matin mais plus la nuit. La première nuit est difficile. La mère arrive à rendormir son bambin en le câlinant plusieurs fois dans la nuit. La deuxième et la troisième nuit, le bambin pleure encore deux ou trois fois dans la nuit. La quatrième nuit, il appelle deux fois dans la nuit mais ne pleure plus pour téter. Au bout d’une semaine, le sevrage de nuit est acquis.

Le bambin continue à téter le soir et le matin et en cas de besoin : réconfort essentiellement. Ces tétées se poursuivent jusqu’à trois ans et demi lorsque le bambin ne demande plus à téter pour s’endormir ou au réveil. Il reste des tétées très espacées de plusieurs jours en cas de besoin.

La famille part en voyage chez des amis à l’étranger lorsque le bambin a trois ans et dix mois. La mère s’attend à ce qu’il demande plus souvent à téter dans un environnement inconnu, ce qui n’est pas le cas. Il est très intéressé par cet environnement très différent du sien, fait de nouvelles expériences tous les jours et est très heureux de ce voyage. Au retour, elle réalise qu’il n’a pas demandé à téter une seule fois et qu’elle ne se souvient plus quand il a tété pour la dernière fois. Elle considère que son bambin s’est sevré.

Lorsque son fils a quatre ans, il tombe malade avec une très grosse fièvre. Il redemande alors à téter, ce que la mère accepte. Mais au moment de prendre le sein, le bambin se rend compte qu’il ne sait plus téter. Il est très triste mais sa mère lui explique qu’il a oublié comment faire parce qu’il est grand, ce qui n’empêche pas de lui faire un gros câlin de réconfort.

Cet enfant s’est donc sevré seul aux alentours de trois ans et dix mois. La mère et l’enfant l’ont très bien vécu.

Illustration : La mère allaitante, Marguerite Gérard, 1800.

Bibliographie
  • Jack Newman et Teresa Pitman, L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman Communications, 2006.
  • Les dossiers de l’allaitement, Hors série sur la JIA 2005, Allaiter un bambin : Dr Jack Newman, LLL France 2005.
  • Allaiter un bambin, quelle drôle d’idée !, feuillet n°21 du Dr Jack Newman.
  • Allaiter aujourd’hui n°37, L’allaitement long : un âge naturel pour le sevrage,  mis à jour dans AA n°70, LLL France,2007.
  • Véronique Darmangeat, L’âge du sevrage au lait chez l’humain.
  • Véronique Darmangeat, L’Allaitement Malin, Leducs, 2013.
  • Regards culturels sur l’allaitement long.
  • Mme Marie-Laure de BRUYN épouse DUVAL, Expériences de femmes autour de l’allaitement prolongé, Thèse pour l’obtention du grade de Dr en médecine, 2013.

Dernière mise à jour : 30 janvier 2017 par Véronique Darmangeat