Créer une hyperlactation pour un bébé prématuré

Un bébé fatigué

Paul Cezanne – Hortense Breast Feeding Paul, 1872

Etude du cas clinique

Cette mère accouche d’un petit garçon, Samuel, à 32 semaine d’aménorrhée. Il pèse 1950 grammes et se porte bien pour son terme.
La mère exprime son désir d’allaiter son bébé et commence donc à tirer son lait pour son bébé qui ne peut pas encore se nourrir au sein. Elle tire son lait 6 fois par 24h avec un bon tire-lait électrique en double pompage. Au bout de 2 semaines, elle obtient 500 ml par 24h.
C’est à ce moment que l’on commence à proposer le sein à Samuel qui est systématiquement complété au DAL au doigt ou à la tasse. Il ne prend alors pas tout le lait tiré par sa mère qui le stocke au congélateur.
Samuel sort de l’hôpital à 36 SA : il tète au sein et ses tétées sont systématiquement complétées par des biberons de 95 ml.

Mon intervention

Les parents font appel à moi lorsque Samuel est à 39 SA. Ils souhaitent pouvoir revenir à un allaitement exclusif au sein car le stock de lait congelé arrive à sa fin et la mère fatigue à devoir toujours tirer son lait 6 fois par 24h.
J’observe la bouche du bébé qui ne présente pas de particularité. La succion est bonne mais l’ouverture de bouche est moyenne. Par contre ce bébé est très fatigué et il est impossible de le mettre au sein lors de la consultation car il est impossible à réveiller.
Je félicite les parents pour tout ce qu’ils ont mis en place : la lactation, les tétées de plus en plus efficaces. Cependant je dois leur expliquer que la lactation est encore insuffisante car les besoins de leur bébé vont encore augmenter.

Samuel n’étant pas encore assez vigoureux pour stimuler seul la lactation, c’est donc la mère qui doit stimuler sa lactation et si possible passer à 8 tirages par 24h, en utilisant la méthode de tirage décrite par Jane Morton, combinant le tire-lait et les massages des seins.
Je lui propose également d’essayer de prendre du fénugrec pour aider à augmenter la lactation. Le but étant de permettre à Samuel d’obtenir le plus de lait possible au sein sans avoir à fournir plus d’effort, ce qu’il ne peut pas faire pour le moment.
Enfin, je leur propose de donner les compléments au DAL au doigt quand Samuel est trop fatigué pour poursuivre une tétée efficace.

Une semaine plus tard, la lactation a augmenté et la mère tire en moyenne 680 ml par 24h. Les compléments au DAL au doigt se passent très bien. Samuel est plus éveillé au sein et je propose donc à la mère d’essayer de donner un complément par jour au DAL au sein pour essayer.
L’expérience est concluante et la mère augmente donc le nombre de compléments donnés au DAL au sein.
Aujourd’hui, Samuel a dépassé sont terme théorique d’une semaine. Il ne mange plus qu’au sein, les compléments étant donnés au DAL au sein, il n’a plus besoin que de 80 ml par complément. La mère tire aujourd’hui 700 à 800 ml par 24h.
Cette hyperlactation créée au tire-lait permet à Samuel de manger plus facilement au sein et l’on espère pouvoir se passer petit à petit du DAL.

Refus du sein

Elin Danielson-Gambogi (1861 – 1919) “Mother” 1893.

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à 31 semaines d’aménorrhée d’une petite fille de 1200 g, Chloé.
Elle a commencé à tirer son lait très rapidement 8 fois par 24h avec un bon tire-lait électrique en double pompage. Au bout de 3 semaines, elle obtient en moyenne 860 ml par 24h.
En service de néonatalogie, Chloé n’arrive pas à prendre le sein. Elle est donc nourrie au biberon dès qu’elle en est capable, soit aux alentours de sa 34e semaine.
Elle sort de l’hôpital à 38 SA, au biberon de lait maternel exclusivement.
La mère essaie à plusieurs reprises de lui proposer le sein mais Chloé n’arrive pas à le prendre, s’énerve et pleure.

Mon intervention

Les parents font appel à moi quand Chloé a 40 SA. La mère est vraiment découragée car elle n’imaginait pas que son bébé pourrait ne pas prendre le sein. Cela fait 9 semaines qu’elle tire son lait toutes les 3 heures et cela lui pèse beaucoup.

J’observe Chloé : son mouvement de succion est parfait mais elle crispe les mâchoires très fort et n’arrive pas à ouvrir grand la bouche.
Quand sa mère lui propose le sein en madone, elle n’arrive pas à ouvrir la bouche et ne peut même pas prendre le mamelon en bouche.
Je propose alors à la mère de s’installer dans son canapé comme si elle était dans un transat et je pose Chloé sur son ventre, légèrement plus bas que le sein.
Chloé arrive alors à relever la tête et à ouvrir un peu mieux la bouche : elle prend le sein et tète un quart d’heure en déglutissant. La mère est très heureuse et reprend espoir.

Je propose alors aux parents de faire beaucoup de peau à peau avec leur bébé, sans forcément lui proposer le sein mais de laisser Chloé le prendre si elle le cherche.
La mère est d’accord pour continuer à tirer son lait.

Quelques jours plus tard, Chloé a réussi à faire environ une tétée par jour. Elle a toujours besoin des biberons mais quand elle tète, elle obtient du lait sans problème.
Petit à petit, le nombre de tétées augmente et un mois plus tard, Chloé est presque exclusivement au sein, il lui reste un biberon par jour.
Les parents sont ravis. La mère continue à tirer son lait 3 fois par jour pour stimuler la lactation.
C’est grâce à cette lactation très bien mise en place à une période où le bébé n’avait pas besoin de tout ce lait, que Chloé peut aujourd’hui manger sa ration au sein.

Bibliographie
  • D. West et L Marasco, Making more milk, Mc Graw Hill, 2009.
  • R. Lawrence, Breastfeeding, Elsevier, 2011.
  • Jane Morton, A Premie Needs His Mother, Breastmilk Solutions, 2009, DVD.
  • Tirer son lait de manière plus efficace

Dernière mise à jour : 30 janvier 2017 par Véronique Darmangeat