Tire-allaitement

Tire-allaitement de bébés prématurés

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à 29 semaines d’aménorrhée de jumeaux : une petite fille et un petit garçon, immédiatement hospitalisés en service de néonatalogie.
Elle commence à tirer son lait très rapidement pour nourrir ses bébés qui ne sont pas capables de téter efficacement au sein.

A 12 jours, la petite fille décède. La mère augmente alors sa fréquence de tirages car elle a la sensation de ne pouvoir réellement faire que ça pour la santé de son fils.
Au bout de 15 jours, elle tire 500 ml par jour, une quantité suffisante pour nourrir son fils mais insuffisante pour espérer pouvoir nourrir exclusivement son fils lorsqu’il prendra des quantités habituelles pour un bébé (environ 750 ml par 24h). Elle utilise un tire-lait en double pompage de la marque Kitett Fisio et tire son lait 6 fois par 24 h pendant un quart d’heure.
Lorsque le bébé commence à manger seul, il est nourri soit au DAL au doigt, soit à la tasse.

Le bébé prend le sein pour la première fois lorsqu’il a presque 2 mois, soit une équivalence de 36 SA + 3 jours. Il fait une tétée efficace à 37 SA + 4 jours.
La sortie du service néonatalogie se fait à 38 SA. On explique alors aux parents qu’à la maison, les compléments doivent être donnés au biberon.

Mon intervention

La mère fait appel à moi une petite semaine après le retour à la maison. Elle souhaite allaiter son bébé mais celui-ci s’énerve au sein et la mère continue donc à tirer son lait pour le donner au biberon. Elle est très frustrée : elle a la sensation d’avoir « fait tout ça pour rien ».
J’observe le bébé : il présente un palais en forme de gouttière, il est rétrognate mais rien de très étonnant chez un bébé né prématuré. Par contre lorsque j’observe sa succion, je me rends compte qu’il a du mal à avancer la langue correctement et qu’il lâche beaucoup la succion. L’ouverture de bouche est bonne.
Au sein, le bébé a du mal à prendre le sein correctement. En utilisant une position en madone inversée, je montre à la mère comment bien placer son bébé au sein. La mère est à l’aise, le bébé bien placé…mais il dort et ne tète que très peu, il lâche alors la succion.

J’explique à la mère qu’elle doit faire face à deux problématiques : augmenter sa production de lait pour que son bébé obtienne du lait plus facilement lorsqu’il est au sein et soit motivé pour téter, et améliorer la succion de son bébé.

Pour augmenter la production de lait, je lui propose de changer de tire-lait pour prendre un Medela Symphony, de l’utiliser en utilisant la méthode de tirage combiné du Dr Jane Morton et de tirer son lait 8 fois par 24 heures. Je lui propose également d’envisager avec son médecin de prendre du fénugrec pour aider à augmenter sa lactation. Je lui explique que le résultat n’est pas garanti mais elle est d’accord pour essayer. Deux semaines plus tard, elle obtient 800 ml de lait par 24 h en moyenne.

Pour améliorer la succion de son bébé, je lui suggère de ne plus utiliser de biberon qui n’aide pas son bébé à bien placer sa langue mais de reprendre le DAL au doigt pour le moment, pour pouvoir ensuite utiliser le DAL au sein lorsque son bébé ne lâchera plus la succion.
La mère met cela en place et le bébé améliore sa succion rapidement…mais il dort toujours au sein et la mère poursuit son tire-allaitement.
Lorsque son bébé a 3 mois, elle réussit à le nourrir au DAL au sein mais il ne veut toujours pas téter au sein sans le DAL. La mère s’habitue à l’idée que cela ne marchera peut-être jamais mais elle est heureuse d’avoir son bébé au sein.

Elle me rappelle lorsque son bébé a 5 mois : il a pris le sein sans le DAL et a fait une tétée complète. Elle est ravie ! Une semaine plus tard, elle arrête complètement l’usage du tire-lait et du DAL et son bébé est entièrement au sein.

Pour cette maman, la persévérance dans l’usage du tire-lait a payé. Elle a fait un tire-allaitement pendant 5 mois pour ensuite bénéficier d’un allaitement au sein pendant plusieurs mois.

Tire-allaitement pour cause de problème anatomique

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme d’une petite fille de 3,240 kg.

A la maternité, le bébé ne réussit pas à prendre le sein et la mère tire son lait pour lui donner à la seringue. La sage-femme qui vient faire le suivi à domicile ne réussit pas à aider la mère.
Celle-ci fait appel à moi lorsque son bébé a 8 jours. Elle tire son lait 7 fois par jour et obtient en moyenne 350 ml par 24 heures.

Mon intervention

J’observe le bébé qui est très rétrognate, présente une langue courte, avec un frein très serré. L’ouverture de bouche est moyenne et la succion très gênée par le frein de langue.
La mise au sein est impossible, même dans la meilleure position possible. Le bébé n’arrive pas à prendre le mamelon en bouche.

Je suggère à la mère de consulter un ORL pour envisager la section du frein de langue, ce qui pourrait améliorer la situation, sans garantie de résultat au vu de la taille de la langue et de la rétrognatie.
Je lui propose de lancer sa lactation en continuant d’utiliser le tire-lait à la manière du Dr Jane Morton, au moins 8 fois par 24 heures.
La mère souhaite désormais utiliser un biberon pour donner son lait.

L’ORL est consulté à J15. Il confirme que le frein de langue est trop serré et le sectionne. Le bébé réussit désormais à prendre le sein en bouche mais ne fait pas l’effort de téter. Il est toujours nourri au biberon de lait maternel.
Je suggère à la mère de faire du peau à peau pour donner envie à son bébé d’aller chercher le sein et pour être plus efficace dans sa prise du sein.
A J26, le bébé prend le sein mais n’est toujours pas efficace. La prise de poids est parfaite car la mère tire son lait de manière très efficace.

A 2 mois, le bébé réussit à être efficace au sein, la mère arrêt le tire-lait et l’allaitement se passe bien.

A 3 mois, la mère me recontacte car elle doit prendre des médicaments contre-indiqués avec l’allaitement. Je lui donne des informations pour son médecin pour permettre de trouver un traitement compatible avec l’allaitement mais le médecin refuse de changer le traitement. La mère reprend donc le tire-lait pour maintenir sa lactation pendant les 20 jours de traitement (y compris le temps d’évacuation du médicament du lait maternel).
Elle repropose alors le sein à son bébé qui accepte de reprendre l’allaitement, qui se poursuit toujours aujourd’hui.

Ce bébé a eu la chance d’avoir une mère très motivée, qui a lancé et maintenu sa lactation grâce au tire-lait jusqu’à ses deux mois puis encore trois semaines le 4e mois.

Bibliographie
  • Marsha Walker, Breastfeeding management for the clinician, using the evidence, Jones and Bartlett publishers, 2006, p.305-306.
  • Mohrbacher N, Mothers who chose to pump instead of breastfeeding, Circle of Caring 1996 ; 8 : 92-95.
  • Catherine Watson Genna, Supporting sucking skills, Jones and Bartlett publishers, 2008.
  • Véronique Darmangeat, L’Allaitement malin, ed Leduc.s, 2013, pages 114 à 120.

Dernière mise à jour : 9 février 2017 par