Le sevrage exigé par l’entourage

Cas clinique n°1

Cette mère accouche dix jours à terme d’un petit garçon de 3,500 kg. L’allaitement ne démarre pas bien, la mère a très mal aux mamelons et commence à utiliser des bouts de sein en silicone sur les conseils de l’équipe de maternité.

La mère me contacte lorsque son enfant a quatre mois car il ne pèse que 4,500 kg et le médecin recommande de donner des compléments tout en constatant que par ailleurs le bébé va très bien. La mère a peur que son allaitement soit remis en cause.
J’observe le bébé qui est effectivement très éveillé, tonique et souriant. Sa bouche ne présente aucune caractéristique particulière. J’observe une tétée sans bout de sein en silicone : le bébé est efficace, ouvre bien la bouche et déglutit régulièrement pendant quelques minutes puis il commence à s’agiter au sein et à se rejeter en arrière alors qu’il continue pourtant à déglutir.

J’envisage avec la mère plusieurs possibilités : soit son bébé ne mange pas suffisamment car l’usage des bouts de sein en silicone a empêché une bonne stimulation de la lactation, soit il souffre d’une infection et utilise son énergie à la combattre au lieu de l’utiliser à prendre du poids, soit il souffre d’une allergie.
Je lui propose de faire faire au bébé une analyse d’urine puis de commencer par faire augmenter sa lactation grâce à l’usage du fénugrec et d’abandonner les bouts de sein en silicone. Je lui demande de faire repeser son bébé une semaine plus tard.

Une semaine plus tard, le bébé a pris 60 grammes. Les résultats de l’analyse d’urine sont négatifs. Nous envisageons alors que la mère tire son lait pour le donner au biberon, ce qui permet d’être sûr de la quantité de lait que le bébé boit.

Une semaine plus tard, le bébé a bu entre 750 et 800 ml de lait maternel tous les jours mais n’a pris que 40 grammes. J’explique alors à la mère que son bébé mange suffisamment mais qu’il faut désormais chercher quel est le souci médical qui empêche son bébé de prendre du poids. Je rédige également un courrier pour le médecin de l’enfant et lui expliquant le travail effectué et mes constatations.

La mère me rappelle en larmes deux mois plus tard. Sa belle-mère et le reste de la famille lui a tellement répété que son lait n’était pas nourrissant qu’elle a sevré son bébé à cinq mois en espérant qu’il reprendrait du poids. Il a désormais six mois, il a perdu du poids et pèse 4,500 kg. On vient de poser un diagnostique d’allergie aux protéines de lait de vache qui explique le problème de prise de poids. Elle regrette tellement d’avoir sevré sous la pression, qu’elle souhaite relancer sa lactation.

Fort heureusement, le bébé accepte tout de suite de reprendre le sein. Nous mettons en place un programme de relactation et la mère met en œuvre une éviction complète des protéines de lait de vache de son alimentation. Trois semaines plus tard, le bébé est à nouveau uniquement au sein et il commence enfin à reprendre du poids correctement.

Dans le cas de ce bébé l’inquiétude de l’entourage pour le bébé l’a amené à donner des conseils erronés à la mère qui a cédé par peur de voir son bébé ne pas prendre de poids. Elle l’a ensuite regretté.

Cas clinique n°2

Cette mère accouche quinze jours avant terme d’une petite fille de 3,380 kg. Dès le début de l’allaitement, la mère souffre de douleurs aux mamelons.

Elle me demande de venir la voir lorsque sa fille a un mois car elle a toujours mal, son bébé tète en permanence et ne veut pas être posé.

J’observe la bouche du bébé : le palais est haut mais la succion est bonne. Par contre la mise au sein ne se passe pas bien car le bébé referme la bouche et pince le mamelon de sa mère. J’explique à la mère comment placer son bébé en madone inversée pour qu’il ouvre grand la bouche et amène le mamelon en fond de bouche. La mère est à l’aise tout de suite avec cette nouvelle prise du sein et la douleur disparaît très vite. Le bébé déglutit régulièrement et fait une bonne tétée.

Quand la petite fille lâche le sein, elle commence très vite à se tortiller et à pleurer. La mère l’interprète tout de suite comme un signe de faim. J’explique alors à la mère qu’au vu de la tétée que je viens d’observer, je ne pense pas que sa fille ait faim mais je pense qu’elle a mal. En effet, elle a des hauts le cœur réguliers qui la font pleurer et les cris stridents ne ressemblent pas aux pleurs de faim qu’elle a manifesté avant la tétée.
Je propose à la mère d’en parler au pédiatre car je soupçonne la présence d’un reflux gastro-œsophagien. Je lui explique que s’il s’agit effectivement d’un reflux, l’allaitement reste la meilleure des options, surtout que son bébé prend très bien du poids. Elle pèse alors 4,100 kg.

La mère me rappelle le lendemain, elle a vu le pédiatre qui confirme le diagnostique de reflux et exige le sevrage de l’enfant pour lui donner un lait épaissi. J’explique à la mère qu’il existe d’autres options, je lui fournis une bibliographie pour en parler avec le médecin. Mais son mari est inquiet et souhaite suivre les recommandations du pédiatre. La mère sèvre à contrecœur

Bibliographie

  • Dr Jack Newman et Teresa Pitman, L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman Communications, 2006
  • Les dossiers de l’Allaitement n°41, pages 4 à 6, LLLF, octobre 1999.
  • Les dossiers de l’Allaitement n°42, page 13, LLLF, janvier 2000.
  • Les dossiers de l’Allaitement n°58, page 11, LLLF, janvier 2004.
  • Les dossiers de l’Allaitement n°75, page 13, LLLF, avril 2008.
  • Allaiter Aujourd’hui n°81, LLLF, octobre 2009.
  •  Impact de l’utilisation de bouts de sein sur le transfert du lait à l’enfant prématuré et sur la durée de l’allaitement, les dossiers de l’allaitement n°50, p.24, 2002.
  • Le point sur l’utilisation des bouts de sein, les dossiers de l’allaitement n°59, p.16, 2004.

Dernière mise à jour : 18 avril 2017 par