Hyper-tonicité du bébé

Cas clinique 

Cette mère a accouché un mois avant terme d’une petite fille de 2,720 kg.
Dès les premières tétées, la mère ressent des douleurs intenses aux mamelons. Ceux-ci sont très ombiliqués et des bouts de sein en silicone sont proposés en maternité.

Au retour à la maison, la mère déclenche une crise de zona ce qui conduit à donner de nombreux biberons au bébé en raison de la pénibilité de la crise. La mère tente ensuite de revenir à un allaitement exclusif mais le bébé perd du poids dès que l’on arrête les compléments.

La mère fait appel à moi lorsque le bébé a six semaines. Elle utilise toujours les bouts de sein en silicone et le bébé prend 60ml de complément deux fois par jour. Cette petite fille n’a pas pris de poids depuis 2 semaines, elle pèse 3,300 kg. Elle dort toute la nuit et ne se réveille d’elle-même la journée que toutes les quatre ou cinq heures. La mère a donc pris l’initiative de la réveiller toutes les trois heures.
La mère aimerait revenir à un allaitement exclusif jusqu’aux six mois du bébé.

J’observe le bébé et je me rends compte que cette petite fille est hypertonique et incapable de se détendre. Elle ne peut pas ouvrir la bouche suffisamment même avec une stimulation adéquate, alors que l’ouverture de bouche est correcte lorsqu’elle baille. Elle est de plus rétrognate. La mise au sein est très difficile car elle n’ouvre pas la bouche et elle s’endort au bout de quelques succions sur le bout de sein en silicone.

Je montre à la mère comment aider son bébé à se détendre pour l’aider à pouvoir ouvrir la bouche pour prendre le sein. Je lui montre comment faire des massages et comment emmailloter son bébé. L’emmaillotement est immédiatement efficace puisque le bébé se calme et réussit à se détendre un peu au moment de la mise au sein mais l’ouverture de bouche reste insuffisante. J’explique à la mère que ces bébés ont besoin d’être très enveloppés et portés pour réussir à se détendre.
Je propose à la mère d’essayer de voir avec un ostéopathe s’il peut aider son bébé à se détendre.

J’insiste également sur le fait qu’il faut absolument nourrir ce bébé qui, pour le moment, est incapable de prendre une ration suffisante au sein. J’explique à la mère que ce n’est absolument pas de sa faute si son bébé présente de telles difficultés et que dans cette situation sa petite fille a besoin de plus d’attention et d’aide qu’un autre bébé.
Je propose à la mère de louer un bon tire-lait électrique double pompage pour relancer sa lactation et proposer des compléments de lait maternel au bébé après chaque tétée.

La mère est contente de comprendre ce qui se passe et son moral s’améliore…mais je n’ai plus de nouvelles.

Il y a quelques jours, je reçois le courrier suivant que je reproduis avec l’accord de la mère et en supprimant les prénoms :

« Chère Véronique,
Cela fait presque 11 mois que j’allaite avec bonheur notre fille et sans vous, rien n’aurait été possible, c’est pour cela que je tiens à vous remercier d’avoir contribué à tout cela.

Nous nous sommes rencontrés le 01 mai 2010, ma petite fille avait alors un petit peu plus d’un mois et j’étais complètement perdue, je voulais arrêter l’allaitement.
Mon bébé n’arrivait pas à téter correctement et elle perdait du poids et moi bien mal informée par la maternité après l’accouchement, je ne savais pas comment m’y prendre et je ne savais plus vers qui me tourner étant donné qu’entre la PMI et la pédiatre j’avais des avis différents et qu’à chaque visite on me demandait de changer la façon d’alimenter ma fille.

Je devais alors réveiller notre fille toutes les trois heures maximum (même la nuit), je l’allaitais pendant environ 45 minutes (avec des bouts de seins en silicone) et ensuite elle était complétée par des biberons de lait pour prématurés, j’étais épuisée, la nuit je ne lui donnais plus le sein, elle avait seulement un biberon.

Grace à vous j’ai appris à emmailloter notre fille pour la décontracter et je suis allée voir une ostéopathe pour essayer de lui faire ouvrir un peu plus la bouche.
Puis j’ai loué un tire-lait et j’ai essayé de la compléter au maximum avec mon lait, ce qui a bien relancé ma lactation, elle n’avait plus que deux biberons de lait artificiel et surtout je l’ai laissé dormir la nuit et j’ai acheté une écharpe de portage.

Malheureusement malgré cela elle ne prenait pratiquement pas de poids et la pédiatre a commencé à me culpabiliser en me disant qu’elle n’était pas assez alimentée et qu’il fallait que je continue à la compléter alors que je réduisais le plus possible les compléments.
À cette période mon bébé souffrait beaucoup de remontées acides, elle a passé d’ailleurs un week-end très difficile pour elle, à hurler de douleur alors que je ne pouvais pas la soulager.
J’ai donc insisté pour que la pédiatre cherche un peu s’il n’y avait pas une autre raison au fait qu’elle ne prenait pas de poids et après quelques analyses, nous nous sommes rendu compte que ma fille avait une bonne anémie et une petite infection urinaire.

Puis on en a discuté avec mon conjoint (qui a plusieurs allergies alimentaires) et nous avons pensé à l’allergie aux PLV. Nous avons donc demandé à la pédiatre de faire un test et il s’est avéré positif, j’ai donc supprimé de mon alimentation tous les produits laitiers et on a continué à la compléter un peu avec du Pregestimil.

Un mois après votre visite, notre fille n’était plus complétée, elle reprenait doucement du poids, n’avait pratiquement plus de régurgitations et à mon grand bonheur, elle m’a fait la surprise d‘accepter le sein sans bouts de seins en silicone le jour de la fête des mères.
Nous avons essayé de réintroduire le lait dans mon alimentation mais, elle n’a pas supporté, elle a recommencé à régurgiter, on refera donc un test à 12 mois, mais je suis confiante, elle n’a pas d’allergie immédiate, l’allergie devrait donc vite s’estomper.

Notre fille est depuis septembre en crèche familiale et l’assistante maternelle a accepté de donner le lait maternel et moi je tire mon lait deux fois par jour au travail (même si ce n’est pas toujours facile). Plus aucun problème de poids pour elle, elle a un bon coup de fourchette elle mange des morceaux et elle raffole du lait de sa maman, elle aura 11 mois dans quelques jours et elle pèse presque 9 kg.

Je n’ai pas osé reprendre contact avec vous à part une fois rapidement, car, j’avais une mastite et je ne savais pas trop quoi faire et dernièrement sur Facebook pour un problème de conservation du lait, mais je ne vous remercierai jamais assez de m’avoir autant aidé, sans vous, notre fille ne serait probablement plus allaitée depuis longtemps.
Aujourd’hui je suis vraiment fière d’être une maman allaitante et j’espère continuer encore un peu, je regrette vraiment le manque d’informations à la maternité, alors qu’ils se disaient être soi-disant pro allaitement et avoir fait récemment une étude clinique à ce sujet, et la divergence d’opinions d’un médecin à l’autre, c’est là qu’on voit qu’il y a encore pas mal de progrès à faire en matière d’allaitement alors que c’est ce qu’il y a de plus sain et de plus naturel pour les bébés. On devrait informer les mamans dès la grossesse et les prévenir qu’un allaitement peut être un peu long à mettre en place et parfois un peu douloureux au début, mais qu’une fois que chacun a bien pris ses marques ce n’est que du bonheur.

En tout cas dès que je croise une maman enceinte qui souhaite allaiter ou une maman un peu perdue à la PMI, je donne vos coordonnées et je ne manquerai pas de faire appel à vous en cas de besoin. Heureusement que des personnes comme vous existent.

Merci pour tout. »

Bibliographie

  • Catherine Watson Genna, Supporting sucking skills, Jones and Bartlett Publishers, 2008.
  • Traité de l’allaitement maternel, Ligue La Leche, 1999, pages 344 à 347.
  • Barbara Wilson-Clay, The Breastfeeding Atlas, Lactnews Press Austin, Texas, 2002.

 

Dernière mise à jour : 18 avril 2017 par