Mastites

Cas clinique n°1

Cette mère a accouché trois semaines avant terme d’un petit garçon de 4,300 kg.
Dès les premiers jours en maternité, des crevasses sont apparues sur les deux seins, plus particulièrement sur le sein droit. On lui a alors recommandé de mettre de la lanoline et de nettoyer le mamelon avant et après chaque tétée, à l’eau.

C’est le père de l’enfant qui me contacte à J22 car sa femme pense qu’elle a une mastite depuis la veille au matin. Son sein droit présente une zone rouge, chaude, dure et douloureuse. Elle a de la fièvre. Je ne peux pas me déplacer pour la voir ce jour là.
Devant ce tableau qui dure depuis 36 heures sans amélioration, je propose aux parents d’aller voir un médecin qui décidera s’il faut ou non donner des antibiotiques. Je leur envoie par mail l’outil d’orientation de l’ILCA (cf bibliographie) pour les professionnels de santé, qui indique la conduite à tenir et les antibiotiques à prescrire en cas de mastite.
Je leur explique également comment drainer le sein au maximum, soit avec le bébé, soit avec un tire-lait. Je suggère également à la mère de se reposer.

Comme les tétées sont douloureuses et les crevasses présentes depuis trois semaines, je propose aux parents une consultation pour le lendemain.
Le lendemain, la mère m’explique qu’elle est retournée la veille à la maternité pour son bébé et qu’elle en a profité pour y rencontrer un médecin. Celui-ci lui a dit que c’était une mastite inflammatoire et lui a conseillé de prendre du paracétamol et de l’ibuprofène en alternance. Effectivement, la mère va beaucoup mieux. Elle n’a plus de fièvre, le sein est souple bien qu’encore rouge.

Je regarde la bouche du bébé et sa prise du sein. Il présente un frein de langue qui ne l’empêche pas de passer la langue par dessus la gencive. Par contre, il n’ouvre pas assez la bouche et pince fort le sein de sa mère. En prenant le sein de cette manière là, il ne passe pas la langue sous le sein et celle-ci tape sur le bout du mamelon pendant toute la tétée.
Je revois avec la mère la mise au sein du bébé en utilisant une prise asymétrique, le soulagement est immédiat. La mère n’est pas encore très à l’aise mais elle est d’accord pour s’exercer.

Par ailleurs, je lui demande de ne plus laver ses mamelons avant et après chaque tétée et je lui propose d’essayer les pansements au lait maternel. À l’application du pansement, la mère ressent une brûlure. Nous enlevons immédiatement le pansement et je lui propose de discuter avec son médecin de l’opportunité d’utiliser la pommade tous usages du Dr Newman car le pansement au lait maternel doit normalement soulager la douleur. Une brûlure peut être un signe de surinfection de la crevasse.

Le médecin accepte de prescrire la pommade. Le soulagement est très rapide. Quatre jours plus tard, les crevasses sont guéries et la rougeur a disparu.

Dans ce cas, les antibiotiques n’ont pas été nécessaires pour soigner la mastite, malgré une fièvre importante et une crevasse présente avant la mastite (c’est souvent une porte d’entrée aux germes).

Cas clinique n°2

Cette mère a accouché d’une petite fille de 3,600 kg, à terme. L’allaitement a très bien démarré.
La mère a présenté un premier épisode de mastite sur le sein droit à deux mois, traité par Bristopen, 2 grammes par jour pendant 8 jours. Cependant la mère n’arrivait pas du tout à drainer son sein et le bébé n’obtenait pas de lait sur ce sein là. Elle est retournée à la maternité où on lui a fait plusieurs injections de Syntocinon avant que le sein ne se débloque.

Elle m’appelle trois semaines plus tard car elle présente un nouvel épisode de mastite sur le même sein. Elle a plus de 40° de fièvre et se sent très mal. Je lui suggère de voir d’abord un médecin car je ne peux rien lui prescrire et je pense qu’il ne vaut mieux pas attendre trop longtemps avec un sein dans cet état là, elle risque de faire un abcès.
Le médecin lui prescrit à nouveau du Bristopen, à la même dose, pendant cinq jours.

La mère me rappelle quelques jours plus tard, sa mastite va mieux mais elle a toujours mal quand son bébé tète sur le sein atteint et elle veut absolument me rencontrer. Nous prenons rendez-vous à son domicile.
Je constate alors que son mamelon droit présente une zone blanche qui ne gêne pas la sortie du lait mais reste identique avant et après une tétée. Son sein droit est souple à l’exception d’une zone plus dure. Cette zone est toujours rouge.
À la suite de mes questions, la mère m’apprend qu’elle souffre d’hypothyroïdie et qu’elle n’a pas refait les examens nécessaires à la bonne adaptation de son traitement.
Elle me décrit également des douleurs dans le sein droit, non liées aux tétées, à type de coup d’aiguille. Elle m’explique qu’elle a l’impression que son sein droit n’a jamais vraiment retrouvé son aspect normal entre les deux mastites.
Cette mère est sujette aux mycoses vaginales à répétition. Elle m’apprend que son bébé a été traité pour un muguet à la suite de sa première mastite.

Au vu de ces divers éléments, je me rends compte que cette deuxième mastite n’est pas complètement soignée et menace de récidiver. Je soupçonne une mastite infectieuse, soit à candida albicans, soit à un germe résistant au Bristopen (qui est pourtant l’antibiotique le plus efficace en cas de mastite).
Je montre à la mère comment optimiser la prise du sein par le bébé pour qu’il draine ce sein au mieux et je lui donne deux adresses de médecins que je sais qualifiés pour traiter ce genre de mastite. Je lui conseille également de refaire ses dosages de thyroïde car un traitement thyroïdien inadapté peut la fatiguer de manière excessive et la rendre moins résistante aux mastites.

La mère voit un autre médecin le lendemain, qui lui prescrit une analyse de lait et lui redonne un rendez-vous avec les résultats pour lui donner un traitement.
Le surlendemain, pendant le week-end, la mère me rappelle car elle pense que la mastite est repartie. Elle a peur car le médecin ne travaille pas le samedi et elle ne sait pas à qui s’adresser. Je lui conseille de beaucoup faire téter son bébé et d’aller aux urgences maternité d’un hôpital parisien dont je connais les compétences dans ce genre de cas. Je lui explique comment présenter l’historique de ses problèmes.

Aux urgences on lui prescrit du fluconazole pour trois semaines et du Daktarin gel buccal à mettre sur les mamelons. Quatre jours plus tard, la zone blanche a disparu du mamelon droit et les douleurs commencent à diminuer. Dix jours plus tard, elle n’a plus mal mais poursuit correctement le traitement.

Les épisodes de mastite ne réapparaissent pas. Chez cette mère, le traitement habituel d’une mastite a été inefficace. Il a fallu passer par un traitement antifongique par voie générale pour que le problème se résolve.

Bibliographie

  • Outil d’orientation de l’ILCA :
    http://www.ilca.org/i4a/ams/amsstore/itemview.cfm?ID=194 (au 27/11/10)
  • Pour les pansements au lait maternel :
    Les dossiers de l’Allaitement n°62, LLLF, page 5, janvier 2005.
  • Pour la pommade tous usages du Dr Newman :
    Les dossiers de l’Allaitement n°74, LLLF, page 19, janvier 2008.
  • Pour la mastite classique :
    L’allaitement, comprendre et réussir, Jack Newman et Teresa Pitman, Jack Newman Communications, 2006, pages 198 à 201.
  • Pour la mastite à candida :
    Breastfeeding management for the clinician, Using the evidence, Marsha Walker, Jones and Bartlett Publishers, 2006, pages 376 à 380.

Dernière mise à jour : 19 avril 2017 par Véronique Darmangeat