Insuffisance de lactation

Sophie

Léon Lhermitte – Young Mother

Etude du cas clinique

Cette mère de 41 ans, déjà mère de jumeaux, accouche 3 semaines avant terme d’une petite fille de 3000 g, Sophie, après une procréation médicalement assistée.
L’allaitement débute en salle de naissance et la mère reçoit de l’aide pour aider sa fille à bien prendre le sein. Mais Sophie perd 10% de son poids de naissance et ne reprend pas de poids seule. Des compléments de préparation pour nourrissons sont donc donnés au biberon à la maternité.
De retour à la maison, Sophie prend le sein mais le lâche et s’endort rapidement. Elle fait mal à sa mère quand elle tète.
A une semaine, le poids ne remonte pas depuis la sortie de la maternité, Sophie pèse 2800 g.
La mère décide alors de louer un bon tire-lait pour tirer son lait et le donner en complément à sa fille. Elle tire 6 fois par 24h et n’obtient en tout que 15 ml par 24h.
A 2 semaines, le poids stagne toujours et la mère se résout à donner des compléments de préparation pour nourrisson. Sophie prend alors difficilement 30 ml au biberon après les tétées.
La mère emmène Sophie chez un ostéopathe car elle trouve qu’elle n’ouvre pas bien grand la bouche.
Elle m’appelle lorsque son bébé a 3 semaines car elle pèse toujours 2800 g. Elle veut à tout prix allaiter son bébé.

Mon intervention

J’observe Sophie qui a les joues creuses et de grands yeux qui prennent la moitié du visage. Je pense en l’observant qu’il est urgent de lui faire reprendre du poids car son état est inquiétant.
J’observe sa bouche et je m’aperçois qu’elle n’ouvre que très peu la bouche, que le mouvement de langue est limité et que le frein de langue est très avancé et très peu élastique.
Au sein, elle ne déglutit que très peu. Sa mère lui propose ensuite un biberon et elle prend difficilement 30 ml et s’endort.
Les quantités que la mère tire n’augmentent pas malgré un bon tire-lait et 6 tirages par jour.Il est évident que le frein de langue pose un gros problème de succion. Je suggère donc à la mère de prendre RDV avec un ORL pour envisager sa section.
Je lui suggère également de revoir l’ostéopathe car l’ouverture de bouche est nettement insuffisante.
Mais avant tout, il est urgent de nourrir Sophie au plus vite. Comme il est évident que pour le moment, elle ne peut pas prendre plus de 30 ml à la fois, je propose à la mère de donner 30 ml toutes les une heure et demie, après une tétée. Quand Sophie réussira à prendre plus de 30 ml, d’augmenter les quantités au fur et à mesure en diminuant la fréquence.
Pour essayer de relancer la lactation, je lui propose de voir avec son médecin pour envisager de prendre du fénugrec et de tirer systématiquement son lait après les tétées.3 jours plus tard, l’ORL sectionne le frein de langue et les tétées s’améliorent immédiatement…tant qu’il y a du lait disponible.
Mais les quantités tirées au tire-lait n’augmentent pas.
Petit à petit, Sophie augmente les quantités prises au biberon et elle retrouve son poids de naissance.

Une semaine plus tard, les quantités de lait n’ont pas augmenté et il devient donc improbable qu’elles augmentent désormais.
Chez cette mère, plusieurs facteurs ont pu contribuer à une lactation insuffisante : un âge avancé, des problèmes de fertilité, un mauvais démarrage de l’allaitement du fait d’une succion déficiente de Sophie. Elle a du calibrer sa lactation tôt, ce qui n’a pas permis de relancer la lactation, malgré tous les efforts engagés.

Guillaume

Aurelio Arteta, La Crianza

Etude du cas clinique

Cette mère de 44 ans, primipare, accouche à terme et par césarienne d’un petit garçon de 3400 g, Guillaume, après une procréation médicalement assistée avec don d’ovocytes.
Cette mère a subit 9 ans plus tôt une mastectomie unilatérale suite à un cancer du sein.

L’allaitement démarre en salle de réveil avec un bout de sein en silicone car la personne présente en salle de réveil déclare que le mamelon ne permettra jamais d’allaiter !
Guillaume perd beaucoup de poids les premiers jours et des compléments de préparation pour nourrissons sont administrés au biberon.
Au retour à la maison, la mère décide d’arrêter les biberons et de nourrir Guillaume uniquement au sein. Mais une semaine plus tard, le poids stagne et Guillaume veut téter en permanence. Le mamelon saigne à chaque tétée.
La mère propose donc 60 à 90 ml de préparation pour nourrissons après chaque tétée. Le poids remonte rapidement mais la mère se dit qu’à ce rythme, son allaitement risque de s’arrêter, elle fait donc appel à moi.

Mon intervention

Je rencontre Guillaume et sa mère, 2 semaines et 5 jours après la naissance.
La mère me dit que depuis 2 jours, elle ne donne un biberon que lorsque son bébé n’est pas satisfait après plusieurs tétées.
Elle tire son lait avec un tire-lait Kitet Matic deux fois par jours et tire 60 ml à chaque tirage.J’observe la bouche de Guillaume qui ne présente aucune particularité.
J’observe une tétée et je m’aperçois que Guillaume ne prend en bouche que la partie saillante du bout de sein en silicone et ne déglutit que lorsque le lait coule facilement, ensuite il s’endort.
Je propose à la mère d’enlever le bout de sein en silicone et de changer la position de Guillaume pour l’installer en madone inversée. La prise de sein est alors parfaite et Guillaume est nettement plus efficace mais il finit par s’énerver lorsqu’il n’arrive plus à obtenir suffisamment de lait. Il se calme lorsqu’on l’enlève du sein mais redemande à téter une demi-heure plus tard.Je propose à la mère de ne plus utiliser le bout de sein en silicone, de donner le sein à Guillaume à chaque fois qu’il le demande et de ne donner un complément que lorsque le sein ne suffit plus à le calmer.
Je lui propose de tirer le lait à chaque fois qu’elle donne un complément, en changeant de tire-lait pour un meilleur appareil.
Pour essayer de relancer la lactation, je lui propose de voir avec son médecin pour envisager de prendre du fénugrec.

2 semaines plus tard, Guillaume tète bien au sein, sans le bout de sein en silicone. Il fait des grappes de tétées et prend 3 compléments par jour de 70 ml en moyenne.
La mère ne tire que très peu de lait mais elle n’a pas changé de tire-lait ni testé le fénugrec.
La prise de poids est correcte.

Pour cette mère également, plusieurs facteurs peuvent concourir au manque de lait : un âge relativement avancé pour un premier bébé, des problèmes de fertilité, la mastectomie, le mauvais démarrage de l’allaitement, avec une stimulation insuffisante.

Bibliographie
  • Mannel, Martens, Walker, Core curriculum for Lactation Consultant Practice, Jones and Bartlett Learning, 2013, page 817.
  • Marsha Walker, Breastfeeding Management for the clinician, Jones and Bartlett Learning, 2014, page 539.
  • Diana West et Lisa Marasco, Plus de lait, L’instant présent, 2009.
  • ILCA’s inside track, Increasing Your Milk Supply With Galactogogues, http://jhl.sagepub.com/content/24/4/455.full.pdf+html

Dernière mise à jour : 26 janvier 2017 par Véronique Darmangeat