Contraintes alimentaires et allaitement

Maïa

Alexandre Gonord

Etude du cas clinique

Cette mère accouche à terme, d’une petite fille, Maïa, pesant 3,500 kg.
L’allaitement démarre difficilement, Maïa a du mal à téter et la montée de lait ne se fait qu’au 7e jour. Le bébé pleure beaucoup au sein ou s’endort au sein, elle ne prend que très peu de poids.
La sage-femme qui assure le suivi à domicile s’inquiète et demande aux parents de donner des compléments de préparation pour nourrisson au biberon.
Les parents donnent des compléments mais s’inquiètent pour l’allaitement auquel la mère tient beaucoup. Le poids repartant à la hausse, ils arrêtent les compléments. La prise de poids s’arrête et les parents redonnent donc un biberon le soir.
Maïa continue à téter en prenant 400 à 500 g par mois.

Mon intervention

La mère me contacte lorsque son bébé a 4 mois. Maïa pèse 5,500 kg.
Elle s’énerve beaucoup au sein, sa mère pratique la super alternance mais a l’impression que Maïa n’est pas repue en fin de tétée. Elle prend beaucoup la tétine qui la calme quand elle s’énerve trop au sein.
La mère souhaite tirer son lait pour le fournir à l’assistante maternelle qui garde son bébé 3 jours par semaine mais n’arrive pas à tirer plus de 40 à 50 ml en trois-quarts d’heure au tire-lait.
Elle s’inquiète pour la suite de son allaitement qu’elle souhaitait long.Elle m’explique qu’on lui a dit de manger beaucoup pour produire plus de lait, qu’on lui a dit qu’elle n’a pas assez de lait car elle ne mange pas assez. Elle se force donc à manger au delà de sa faim et elle a pris 5 kg depuis la naissance mais cela n’a pas l’air efficace pour stimuler sa lactation !J’observe Maïa qui est très éveillée et tonique, souriante. Sa bouche ne présente pas de particularité. J’observe une tétée : Maïa déglutit bien pendant quelques minutes puis s’énerve au sein. Sa mère la change de sein et je peux  à nouveau observer la même chose, quelques minutes de déglutitions puis de l’énervement. Sa mère continue à alterner les seins avec des phases actives au sein de plus en plus courtes et un bébé insatisfait qui ne se calme qu’avec la tétine.
J’observe également que Maïa ne place pas forcément très bien sa langue, qu’elle a tendance à laisser en arrière, donc quand le lait ne coule plus tout seul, elle a du mal à obtenir plus de lait.

Chez cette mère, la lactation a très mal démarré car son bébé n’a pas tété efficacement pendant de longues journées puis a eu des biberons et a mal placé sa langue. La lactation ne s’est donc jamais calibrée au bon niveau.
A 4 mois, la situation est donc compliquée. J’explique à la mère que manger au delà de sa faim ne lui fera pas produire plus de lait mais que l’on peut essayer de relancer sa lactation, sans garantie de résultat.
Je lui propose donc de tirer son lait toutes les 2 heures quand sa fille est chez l’assistante maternelle en utilisant la méthode de tirage combiné pour stimuler au maximum la lactation. Je lui propose également d’essayer une cure de fénugrec.
Enfin, je lui demande de surveiller la prise de poids de Maïa qui ne doit plus changer de courbe vers le bas.
La mère met tout cela en place et nous attendons de voir les résultats éventuels.

Ce que je trouve dramatique dans cette situation c’est que personne ne sachant aider cette mère et son bébé dans cet allaitement, on a rejeté la faute sur la mère en lui disant qu’elle ne mangeait pas assez, alors que l’on sait très bien que ce que mange la mère n’a aucun rapport avec la quantité de lait produite !

Constantin

Motherhood, Friedrich Franz Klein (1898 – 1990)

Etude du cas clinique

Cette mère accouche quatre semaines avant terme d’un petit garçon, Constantin, de 3,300 kg.
L’allaitement démarre bien, la mère a beaucoup de lait.
Au retour à la maison, Constantin tète toutes les heures ou toutes les deux heures. Cette mère vit seule avec son bébé et est âgée de 46 ans. Elle a du mal à récupérer de la fatigue de l’accouchement car personne ne peut prendre le relais auprès du bébé.

Mon intervention

Cette mère fait appel à moi lorsque son bébé a 7 semaines car elle est épuisée.
Depuis quelques jours, Constantin pleure au sein, prend le sein et le relâche en pleurant et la mère ne sait plus comment faire. Elle envisage d’arrêter l’allaitement qu’elle n’arrive plus à vivre sereinement.Le médecin de l’enfant lui a dit d’arrêter de manger des crudités, des agrumes, des jus de fruits, des boissons gazeuses, du chou, en lui disant que ces aliments provoquent des maux de ventre chez son bébé. Cette mère est végétarienne, a du mal à trouver le temps de se préparer à manger et n’arrive plus à manger de manière correcte avec tous ces interdits. De plus, elle ne constate pas d’amélioration chez son bébé, bien au contraire car il semble souffrir de plus en plus.Constantin prend très bien du poids puisqu’il pèse 4,800 kg à 7 semaines.
J’observe sa bouche qui ne présente aucune particularité, si ce n’est la gorge qui semble très irritée.
J’observe une tétée : Constantin commence à téter calmement et au bout de quelques minutes, se raidit, fronce les sourcils puis lâche le sein en hurlant. Il refuse de reprendre le sein et pleure très fort, de manière inconsolable. Ce bébé semble vraiment souffrir.

J’explique à la mère que le comportement de son bébé peut faire penser au comportement des bébés souffrant de reflux gastro-œsophagien. Je lui suggère de l’emmener rapidement chez son médecin car il mouille moins ses couches et ne fait plus de selles depuis quelques jours car il ne tète plus que quelques minutes par jour.

Je lui explique également que ce qu’elle mange ne modifie pas le taux d’acidité de son lait et qu’elle peut donc manger tout ce qu’elle veut sans faire souffrir son bébé.
La mère est soulagée, reprend son régime alimentaire habituel.

Le médecin refuse d’envisager un traitement sans faire une fibroscopie. Celle-ci révèle une œsophagite avancée avec des saignements au niveau de l’œsophage. Constantin est mis immédiatement sous traitement avec un inhibiteur de la pompe à protons. Son état s’améliore rapidement et il recommence à téter efficacement.

Là encore, dire à la mère de faire attention à ce qu’elle mange alors que le bébé fait un reflux gastro-œsophagien sévère relève d’une méconnaissance complète du fonctionnement de la lactation.

Bibliographie
  • D. West et L. Marasco, Plus de lait, L’instant présent, 2009.
  • R. Lawrence, Breastfeeding, Elsevier, 2016.
  • Beaudry-Chiasson-Lauzière, Biologie de l’allaitement, Presses de l’université du Québec, 2006.

Dernière mise à jour : 26 janvier 2017 par Véronique Darmangeat